Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corps, ne s’éloigne pas de lui, mais reste dans le tombeau pour lui tenir compagnie ; aussi lui laissent-ils toujours un petit espace vide, afin qu’elle puisse s’y loger. Les premiers Indiens qui embrassèrent le christianisme ne purent qu’avec beaucoup de peine être détachés de cette coutume. On prit même sur le fait quelques femmes chrétiennes qui se rendaient secrètement au lieu où leurs enfants et leurs époux avaient été ensevelis, et là passaient au crible la terre qui les couvrait pour donner plus de liberté à leurs âmes qui, sans cette précaution, disaient-elles, auraient été par trop gênées. « On voit par là, dit l’écrivain déjà cité, que ces Indiens croient non-seulement que l’âme est un être différent du corps, mais encore qu’elle continue d’exister après la mort de ce corps. » Quelle fausse conclusion ! De là, comme d’une infinité d’usages et de superstitions des peuples, que les écrivains déistes interprètent toujours dans le sens de leurs croyances, de là ressort que ces peuples regardent le cadavre de l’homme comme l’homme lui-même, à cause de sa ressemblance avec l’être vivant dont ils conservent encore l’image dans leur souvenir, image qu’ils personnifient et qu’ils pensent unie avec ce cadavre tant qu’il subsiste encore. C’est pourquoi les Caraïbes croient que les morts doivent être nourris tant qu’il reste en eux de la chair, et qu’ils ne vont au pays des âmes que lorsqu’ils sont tout à fait décharnés[1]. « Les Hottentots ont nécessairement foi en une vie future, puisqu’ils craignent que les morts ne reviennent les inquiéter ; aussi,

  1. Baumgarten, Histoire générale des peuples de l’Amérique, 1er vol., p. 484 ; — et Meiners, Histoire critique des religions.