Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/244

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vivre sans lui, et pourtant nous sortons de là sans y laisser la peau ; C’est ainsi que la fin véritable est tout autre que la fin imaginaire. Celle-ci est en contradiction avec notre manière de voir d’alors, elle est un ton faux à écorcher les oreilles au milieu de l’harmonie dans laquelle nous vivions avec ce qui nous entourait ; celle-là vient après avoir été préparée d’avance ; elle a un fondement organique, elle ne brise pas en deux l’objet de nos affections ; elle ne vient y mettre un terme que lorsqu’il n’a plus de raison d’exister, que lorsqu’il est tout à fait épuisé pour nous et qu’il n’a plus, par conséquent, ni valeur ni importance. La fin dans l’imagination est contre nature, la fin dans la réalité est naturelle, successive et par cela même à peine sensible. Les monades leibnitziennes peuvent bien être créées et anéanties tout d’un coup ; mais les choses sensibles, à cause de leur composition, ne peuvent croître et dépérir que peu à peu. La mort de l’homme, du moins la mort naturelle, ne vient ainsi que pas à pas, quand le feu de la vie est éteint, quand la vie n’a plus que la valeur et le charme d’une ancienne habitude ; elle n’est que la conclusion d’une vie accomplie. L’immortalité n’est une occupation que pour des rêveurs et des paresseux. L’homme actif sans cesse occupé des choses de la vie humaine n’a pas le temps de penser à la mort et par conséquent n’a pas besoin d’une vie future. S’il y pense, il ne voit en elle qu’un avertissement de bien placer le capital de vie qu’il a amassé, de ne pas dépenser un temps précieux à des futilités, mais de ne l’employer au contraire qu’à l’accomplissement de la tâche qu’il s’est imposée. Celui qui est sans cesse obsédé de l’idée de la mort et qui dans cette inutile