Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/253

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réflexion que, si les étoiles sont des corps capables de contenir la vie, elles doivent être déjà habitées par des êtres d’accord avec leur nature propre, et que, par conséquent, il n’y a pas de place sur elles pour des hôtes étrangers, de même l’homme peu cultivé n’a pas même l’idée que ces mondes éloignés peuvent avoir leurs propres habitants de chair et d’os comme lui, et qui peut-être placent leur vie dans le lieu même où il passe si tristement la sienne. C’est ainsi que l’homme fait du lointain le rendez-vous de ses désirs et de ses vœux. Tout ce qui est en dehors, de son plus proche entourage et des désagréments qui lui sont inhérents, — et quel lieu, quel climat n’a pas les siens ! — il le regarde comme quelque chose de meilleur ; mais, remarquons-le bien, seulement dans son imagination : car, dès que l’homme est éloigné de sa patrie,’ il est ordinairement saisi de nostalgie ; cette patrie qui de près lui paraissait si sombre, il n’en voit à une certaine distance que les côtés lumineux.

Mais comment l’homme en vient-il à placer dans ce lointain ses morts et son avenir ? Comme nous l’avons déjà dit, l’homme ne peut d’abord trouver à la mort aucune raison d’être, il n’en voit pas la nécessité. Il ne peut pas s’expliquer pourquoi le vivant quitte ce monde, puisqu’il y possède tout ce qu’il désire. Aussi pour lui les morts n’ont fait que s’éloigner, que partir pour un voyage. Mais où pourraient-ils être allés, sinon là-bas au delà des montagnes et des mers, ou là haut dans les étoiles ? Le lieu qui exprime le plus sensiblement l’ignorance humaine est aussi le lieu le mieux approprié aux êtres que la mort a transportés du domaine de la réalité dans le domaine de l’inconnu. L’homme plus encore