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LA RELIGION

productions. Pourquoi ces nuages et ces pluies de poussière que répandent les forêts au temps de la fécondation ? Pourquoi ces œufs innombrables d’où ne sort cependant qu’un nombre proportionnellement très faible d’êtres vivants ? Question insensée ? Tu vois là devant tes yeux l’ardeur de vie immense, sans bornes et sans but qui se manifeste dans la nature. Pourquoi tant d’animaux inutiles ou nuisibles à l’homme ? afin qu’une chose n’empiète pas trop sur l’autre, comme disent les théologiens ? Non ! c’est faire d’une conséquence un principe. Ce qui est nuisible pour toi est utile pour d’autres êtres. Partout où il y a matière à jouissance, là il y a aussi penchant, tendance à la jouissance et à la vie, là il y a nécessairement un être qui vit et jouit. Une chose est la condition d’une autre, l’appelle à la vie, mais en même temps lui impose des bornes pour se faire place à elle-même, et c’est là le fondement de l’harmonie dans l’ensemble des êtres. L’origine de la vie, c’est-à-dire de la vie individuelle, capable de sentiment, n’est incompréhensible que lorsqu’on sépare la vie de ce qui en est la condition. Réunit-on ces deux choses dans la pensée, alors la formation de la terre, de l’eau, de l’air, de la température, et la formation des animaux et des plantes ne font qu’un seul acte, et la production de la vie est aussi inexplicable, ou si l’on veut au contraire, aussi peu étonnante que celle de ses conditions pour l’explication desquelles des philosophes déistes du siècle dernier ne trouvaient pas nécessaire l’hypothèse d’un Deus ex machina. La vie n’est pas le produit d’une force naturelle particulière, comme le veulent les métaphysiciens matérialistes ; elle est un résultat de la nature entière.