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LA RELIGION

tien peut-il toujours prier ? Une prière éternelle serait-elle une prière ? Celui qui penserait toujours ne ressemblerait-il pas à celui qui ne pense pas du tout ? Et que perdons-nous donc par le sommeil, le boire et le manger ? Le temps ; mais ce que nous perdons en temps, nous le gagnons en forces. Les yeux qui se sont reposés pendant la nuit voient plus clair le matin. Chaque jour nouveau est pour l’homme une fête de renaissance et de résurrection. Faut-il donc que l’homme mange, boive et dorme à contre-cœur, avec un dégoût hypocrite, — ce qui est une conséquence du vrai christianisme ? — Non ! il doit faire tout cela avec plaisir, volontiers ; mais il doit aussi veiller, penser, travailler avec plaisir. Il ne doit pas se rendre la jouissance amère par la pensée du travail, ni pendant le travail penser à la jouissance ; il doit trouver son plaisir dans le travail même. Il doit faire en général tout ce qui appartient à l’homme de la manière la plus conforme à la nature, dans le temps convenable, c’est-à-dire avec joie, avec satisfaction, avec la conscience qu’il remplit ainsi la tâche à laquelle il a été destiné. Il doit, au lieu de prouver l’unité de Dieu, prouver l’unité de l’homme, rejeter ce dualisme funeste de l’esprit et de la chair, cette séparation de l’être humain en deux parties, dont l’une appartient au ciel, l’autre à la terre, dont l’une a pour créateur un Dieu, tandis que l’autre est un livre apocryphe qui a pour auteur un être inconnu ou plutôt que, par prudence chrétienne, on ne nomme pas par son vrai nom, mais qui en français s’appelle le Diable, — car le christianisme n’est pas autre chose qu’un manichéisme diplomatique, qu’un parsisme déguisé, modifié et tempéré par l’esprit de l’Occident. — L’homme doit par