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LA RELIGION

ments de son existence ; mais ces blessures se guérissent d’elles-mêmes avec le temps. La vérité, d’abord amère, devient plus tard la confidente du cœur. Il est quelquefois possible d’imposer à des individus et même à des peuples entiers des opinions et des doctrines qui répugnent à leur nature ; mais pourtant où cela arrive on leur impose une autre manière d’être et on étouffe la leur. Tous les peuples chez lesquels on a fait pénétrer de vive force le christianisme qui jette dans un même moule l’humanité tout entière, tous ces peuples se sont vu imposer en même temps avec le joug de la foi chrétienne le joug du despotisme chrétien et l’eau de vie chrétienne.

Ce n’est donc jamais que la génération nouvelle, que la jeunesse qui prouve dans l’humanité une faculté d’amélioration et de perfectionnement, par cette raison toute simple et toute naturelle que la jeunesse est encore ouverte, franche, sincère et n’a aucun intérêt personnel, égoïste à se liguer contre une nouvelle vérité, comme les hommes vieux de corps et d’esprit qui, par égoïsme, vanité, préjugé, habitude, devoir de profession, sont les ennemis jurés de toute innovation fondamentale. Il suit de là que, si des hommes tels qu’ils sont nous déduisons l’idée générale de l’homme pour embrasser dans cette idée les qualités et les facultés diverses qui distinguent les hommes dans la réalité, nous arriverons à cette proposition : l’homme est aussi bien un être fixe, immobile, ennemi de tout progrès, qu’un être mobile, progressif, ami de l’innovation. Mais l’union de ces qualités contradictoires dans un seul et même sujet n’est possible que dans la miraculeuse dialectique du rationalisme chrétien. Dans la réalité et