Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/325

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se presse à la superficie, de même l’essence des choses se révèle dans la vie immédiatement aux sens. La science, du moins l’analyse, est directement opposée à la vie ; elle va de l’extérieur à l’intérieur, et la vie de l’intérieur à l’extérieur ; elle cherche la vie dans les profondeurs et elle brille à la surface, elle cherche l’être derrière les sens, et il est là devant, eux.


Ce qu’un être révèle à nos sens par sa forme, ses mouvements, sa manière de vivre, cela, seul est son âme, sa vraie nature. L’âme d’un animal n’est pas autre chose que son individualité à laquelle appartiennent l’os, le muscle, la peau, tout aussi bien que le cerveau dans le crâne. On reconnaîtrait même l’individualité d’un homme non-seulement à la vue, mais encore à l’audition de son pas. L’homme communique volontiers à l’homme par l’organe de la parole ses pensées les plus intimes, ses désirs et ses sentiments. Distinguée de cette expression sensible de l’individu, qu’est l’âme, l’intérieur, l’être en soi ? Quoi, si ce n’est un produit de l’abstraction ? La manifestation sensible est l’ultima ratio, la summa summarum, la dernière raison des choses. La science des sens est la science des choses dernières, la révélation de tous les secrets. L’extérieur est l’intérieur dévoilé, mis à nu, n’ayant plus rien à dire. La terre n’est arrivée au repos qu’après avoir exprimé son être intime à sa surface par des créations organiques, et surtout par la vie humaine ; et l’homme n’a de paix dans la tête et dans le cœur que lorsqu’il n’a plus rien dans la tête et sur le cœur. Pourquoi une