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PENSÉES DIVERSES

christianisme, la vanité humaine ne finit pas même à la mort ; même dans le ciel, l’un veut briller plus que l’autre, celui-ci avec l’éclat de la lune, celui-là avec l’éclat du soleil ; même dans le ciel, il y a entre les élus des différences comme ici-bas. Il avait, ma foi ! raison ce nègre qui, rejetant l’immortalité chrétienne qu’on lui offrait, faisait cette réponse : « À la mort, tout est fini, du moins chez nous autres nègres. Je ne veux point d’autre vie, car peut-être y serais-je encore votre esclave comme dans celle-ci. »




« Les Tchérémisses avouaient qu’ils ne se sentaient pas dignes d’être appelés à une autre vie après la mort. » — Et ne devrions-nous pas tous, tant que nous sommes, avoir assez de sincérité pour reconnaître aussi que nous sommes indignes de vivre de nouveau ? Comment, en effet, passons-nous cette vie ? Dans des réunions pleines d’ennui, dans des caquets mesquins de petite ville, dans des luttes politiques, au milieu de discordes religieuses, de folles discussions savantes, de tracasseries domestiques, en un mot au milieu de petitesses et d’absurdités de toute sorte. Et pourquoi la passons-nous ainsi ? Parce que nous avons trop peu ? Non ! Parce que nous avons trop de temps. Combien d’hommes vivraient heureusement si le jour était plus court-de moitié Combien de vieillards retombent dans l’enfance ? Combien d’hommes jeunes encore se survivent, pour ainsi dire, parce qu’ils sont morts de corps et d’esprit ! Que peuvent-ils faire alors de ce superflu de vie qui leur reste, sinon le dis-