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PENSÉES DIVERSES

différence entre l’homme et la vache, entre l’acte de boire et de manger d’une manière digne de l’homme et ce même acte accompli d’une façon bestiale. Mais non-seulement grossière, insensée est la conclusion que le christianisme tire de la mortalité de l’homme. C’est parce que nous ne devons pas toujours vivre que nous ne voulons pas dès à présent nous enlever la vie « par la débauche, le viol et le meurtre », comme dit Luther, ni la rendre amère par la folie et la méchanceté. L’homme meurt tout aussi bien que l’animal, mais il en diffère en ce qu’il sait et voit d’avance sa mort, et qu’il peut en faire l’objet même de sa volonté. Je dois mourir, mais non-seulement je dois, je veux aussi mourir. Ce qui a son fondement dans ma nature, dans mon être, ne peut être en contradiction avec moi, ne peut pas exciter ma volonté à la révolte. Non ! ma volonté doit être d’accord avec ma nature, et par conséquent ma mort, comme résultat nécessaire de cette nature, doit être une affaire de ma volonté comme toute autre nécessité naturelle. Si le chrétien a honte de la mort comme d’un acte bestial, qu’il rougisse aussi de l’acte de la reproduction de l’espèce, et qu’au lieu de se marier il se jette dans un cloître. Un être céleste, immatériel, ne meurt point, mais il ne peut pas non plus avoir d’enfants. Ce qui prouve que la mort est parfaitement d’accord avec la nature de l’homme, c’est que la plupart des vieillards n’en ont aucune crainte, que souvent même ils la désirent[1]. Chez

  1. D’ailleurs la crainte de la mort ne prouve rien, parce qu’elle repose le plus souvent sur les idées les plus folles et les plus ridicules.