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LA RELIGION

que le sacrifice du penchant du sexe ? Le ciel est l’unique, le dernier but du chrétien ; mais quelle vertu rend déjà sur la terre l’homme céleste, égal aux anges et pur comme eux ? la chasteté. « La chasteté inviolée, dit saint Augustin, est un don du ciel, et dans la chair corrompue l’exercice et la représentation de l’éternelle incorruptibilité. Assurément ceux qui ont déjà dans leur chair quelque chose de non charnel posséderont bien plus d’avantages que les autres dans l’immortalité commune. » Et saint Jérôme : « Celui que les anges adorent dans le ciel exige aussi des anges sur la terre. » Même le philosophe Albert le Grand fait de la chasteté la plus haute vertu, lorsque, parlant de la récompense qui lui est réservée, il cite ces paroles du Christ : « Quiconque triomphera des penchants de la chair, je lui accorderai de s’asseoir avec moi sur mon siège, de même qu’après en avoir triomphé moi-même, je me suis assis sur le siège de mon Père[1]. » Si le mariage n’est pas rejeté par le catholicisme, s’il est souffert, accordé même à tel point, qu’on en a fait un sacrement, il n’en faut pas chercher la cause dans la foi et dans le sens religieux, mais dans l’intelligence mondaine pleine de prudence et s’accommodant avec souplesse aux nécessités extérieures. Saint Augustin se rend coupable en cette matière d’inconséquences frappantes. Après avoir élevé jusqu’au ciel la virginité dans l’écrit cité plus haut (De sancta virginitate, cap. 18), il ajoute ces paroles : « J’avertis les partisans, hommes et femmes, de la virginité sainte et de la continence éternelle que, tout en

  1. Apoc. 3, 21.