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LA RELIGION

l’état naturel du chrétien, où les maladies du corps sont déclarées la santé de l’âme, où la mortification est une loi, un principe, là le sens esthétique, la condition suprême de l’art, est décrété de bannissement, et l’art lui-même en dehors de tout lien moral et juridique avec le principe religieux. L’art choisit-il, pour les images de la Vierge, des visages laids, excitant le dégoût ? Ne choisit-il pas, au contraire, les plus beaux et les plus aimables ? Celui à qui sa religion fait un devoir de fuir devant la beauté de la femme, d’éviter toute occasion de pensées impures, tout ce qui excite les sens, pourra-t-il avec une conscience en repos se repaître de la vue d’une belle image de madone ? Une telle image ne peut-elle pas inspirer un amour sensuel ? N’a-t-on pas l’exemple d’une jeune fille devenue amoureuse d’une statue jusqu’à en mourir ? On trouve cependant la beauté de l’art unie au catholicisme et même dans la compagnie des moines ; mais il est aussi facile d’expliquer ce phénomène que d’expliquer pourquoi, dans le voisinage des cloîtres de moines, on trouve des cloîtres de nonnes unis aux premiers par des conduits souterrains et illégitimes[1].

La science n’est pas moins que l’art en contradiction avec la véritable nature du catholicisme. Comment ? Qui pourra nier les grands mérites des cloîtres et des papes en ce qui concerne la conservation des lettres et des sciences ? Personne ne niera ce fait, mais l’explication qu’on en donne. Ce que les papes ont fait ou fait faire par leur influence, ce n’est pas toujours comme papes et d’accord avec leur vocation qu’ils l’ont fait.

  1. Eichhorn, Histoire de la littérature. 1er vol., p. 710.