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LA RELIGION

cherche à réparer sa faute en faisant des drames pieux. Il en est de même pour la science ; elle fut cultivée par curiosité, c’est-à-dire en vertu d’un penchant antireligieux. Celui qui voudrait le nier doit nier aussi que l’alliance de l’aristotélisme avec le catholicisme, la contradiction la plus claire et la plus monstrueuse, fût une contradiction.

Si l’esprit scientifique et l’esprit catholique sont deux esprits entièrement opposés, il n’y a que deux cas possibles : ou la science est cultivée dans le catholicisme par désir de connaître, et ainsi dans un sens correspondant à la nature de la science elle-même, et alors elle est cultivée, qu’on s’en rende compte ou non, contrairement à l’essence du catholicisme ; ou bien elle est cultivée de la seule manière conforme à l’esprit religieux, et dès lors elle n’est plus science. C’est ainsi que la traitèrent les jésuites ; ils firent d’elle tout simplement un moyen, — et le moyen est sanctifié par le but, — un moyen pour la défense et la propagation de la foi. Aussi, pour le fondateur pieux de l’ordre des Jésuites, l’étude était-elle une vraie torture ; il ne s’y adonnait que pour des raisons extérieures, et il avait la conscience de sa contradiction avec l’esprit catholique. Pour que ses plans d’études ne fussent pas troublés et détruits par les flammes de son ardeur sacrée, de son penchant de propagande, il était obligé de s’imposer la plus sévère diète spirituelle, de se priver de tout entretien pieux, même avec ses amis[1]. Ce que les cloîtres firent pour les sciences était donc, dans le sens du catholicisme, tout au plus une aumône accordée par grâce

  1. Petro Ribadeneira, Vita I. Loiolæ.