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LA RELIGION

par lui. Il resta embourbé dans la barbarie ancienne, établissant des articles de foi contraires à la raison et les donnant pour vrais.

Ce serait un sophisme absurde de prétendre que le protestantisme a rejeté le célibat pour se conformer à ces paroles de la Bible : « Multipliez-vous, » et n’a tenu aucun compte des droits de la raison, parce que la Bible ne contient là-dessus aucun ordre expressif, mais bien plutôt nous recommande la foi. — Si le protestantisme, pour ce qui regarde le mariage, ne s’était appuyé que sur la Bible, il n’aurait pas, il est vrai, ordonné le célibat, mais il ne l’aurait pas non plus rejeté sans condition. L’apôtre saint Paul loue et glorifie en effet tellement l’état célibataire, — et les vives recommandations d’un apôtre inspiré par l’Esprit-Saint ne devraient-elles pas avoir force loi ? — que Luther ne se serait pas prononcé d’une manière aussi absolue. Il aurait laissé tout simplement ce point en question, comme beaucoup d’autres, jusqu’à l’heureuse époque où messieurs les exégètes devaient expliquer les passages contradictoires de la Bible d’une façon tout à fait satisfaisante. Ce qui décida ici, comme dans beaucoup d’autres cas, ce fut le droit sacré de la nature et de la raison, la voix la plus influente dans les cas douteux, le sens naturel de la vérité, qui, sans s’inquiéter des paroles à double sens de la sainte Écriture, reconnaît immédiatement le faux pour faux et le vrai pour vrai. Si l’on voulait fonder le mariage de Luther non pas sur le droit naturel, mais sur un ordre positif, sur une sentence biblique, on tomberait dans l’absurdité ; on serait forcé de prouver que, dans la Bible, Catherine de Bora est nommée comme l’épouse destinée au réformateur.