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LA RELIGION

la Bible, mais la saine raison humaine, la philosophie naturelle, qui a eu plus de part à la réformation que beaucoup ne veulent le croire.

Mais le protestantisme s’est rendu coupable d’une contradiction d’autant plus grande, qu’après avoir reconnu les droits de la nature, il n’a pas tenu compte des droits et des prétentions de la raison, sous prétexte qu’elle n’a pas un mot à dire dans les choses spirituelles, parce qu’elles dépassent son horizon. Les mêmes motifs qui parlaient pour ou contre le replacement de la nature au rang qui lui appartient parlaient aussi pour ou contre la mise en liberté de la raison humaine. Si tu fais la raison prisonnière sous la domination de la foi, pourquoi ne remets-tu pas ta propre nature à la garde de la vertu chrétienne ? Si tu regrettes la raison, qui n’est pas autre chose que la nature spirituelle, parce que les doctrines de la foi sont pour elle d’incompréhensibles mystères pourquoi ne regrettes-tu pas aussi la nature qui n’est que la raison corporelle, et qui ne se révolte peut-être contre le célibat que parce que la vertu chrétienne en général, et le célibat en particulier, étant pour elle des mystères trop élevés, excitent son aversion ? Si le chrétien n’est pas en contradiction avec les besoins pratiques, pourquoi le serait-il avec les besoins intellectuels, qui sont aussi nécessaires, aussi indestructibles et inaliénables, aussi indépendants de nous que les premiers ?

Il est vrai que le protestantisme est suffisamment justifié, — si du moins un phénomène historique universel a besoin de justification, — en ce que les besoins pratiques se faisant sentir les premiers dans le développement humain, et devant être les premiers satis-