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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

d’admirable dans les écrits des philosophes français, c’est l’immense énergie de l’idée qui se lève contre la politique, contre la foi, contre l’autorité depuis des milliers d’années. Il faut applaudir à ce grandiose caractère de la philosophie française, à cette indignation sublime et puissante contre tout ce qu’on avait osé imposer à la conscience du moi comme un être étranger, comme un joug. L’esprit humain, dans les livres dont je parle, est entièrement sûr de la vérité qui inhère à la raison ; il entreprend aussi la destruction du monde des intelligences, il est encore sûr d’en triompher. La philosophie française du xviiie siècle, il faut le dire, a pulvérisé tous les préjugés et remporté la victoire (III, 510). » « Elle a pris une tendance négative contre tout ce qui est positif ; elle attaque les religions, les coutumes, les habitudes, les opinions, le droit, le gouvernement, la constitution, l’autorité. Ce qui est essentiel dans cette philosophie, c’est que, comme poussée par l’instinct de la raison, elle frappe l’état du mensonge universel et parfait, par exemple, le positivisme d’une religion pétrifiée. Les philosophes français ont renversé les vieilles institutions qui n’avaient plus de place dans l’âme développée de l’homme émancipé, et qui ne s’étaient conservées si longtemps que dans le crépuscule d’une conscience esclave de la religion et de l’autorité ; l’esprit était cultivé, et malgré cela elles avaient toutes encore la prétention de valoir comme une chose juste et sacrée. Ils ont battu en brèche ce formalisme. Aujourd’hui, pour les bien comprendre, il faut se représenter ce sublime orgueil de la justice honnie, cette grandiose haine de l’immoralité, cette sainte colère dont les philosophes du xviiie siècle étaient remplis ces héros ont conquis le vaste droit humain de l’intelligence, de la science, de la conscience et de la conviction individuelles et personnelles ; ils ont combattu avec tout leur grand génie, avec esprit, avec courage, avec sarcasme, avec toutes les armes enfin (III, 414). » « Chez eux le soi-disant matérialisme ou athéisme se manifeste librement il est bien le résultat nécessaire de la pure et simple conscience du moi (III, 507). L’athéisme, le matérialisme, le naturalisme français y est combiné avec la plus profonde, la plus chaleureuse colère contre les imbécillités (les suppositions sans notion) et le côté positif de la religion, comme contre les institutions morales, juridiques et politiques ; ils ont lutté avec un zèle plein de grâce et d’esprit, et point avec des déclamations frivoles (III,