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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

est comprise concrètement, physiquement l’homme réel et non abstrait, on lui trouve nécessairement des besoins physiques, et par conséquent cette personnalité ne se montrera qu’a la fin quand toutes les conditions physiques de sa subsistance terrestre ont été créées ; dans ce cas l’homme est imaginé comme but de la création universelle.

Ne nous arrêtons pas aux distinctions plus ou moins sophistiques, qu’on voudrait établir entre la personne de Dieu et la personne de l’homme, leur identité percera toujours malgré tout ce qu’on y oppose.

Ces objections sont quelquefois purement des illusions quelquefois ce sont des assertions dénuées de tout fondement, dont la nullité est démontrée par voie de déduction. Les raisons positives de la création ne se réduisent qu’à la nécessité que le moi éprouve d’évoquer un autre être personnel. Vous avez beau faire de la théologie spéculative jamais vous ne déduirez votre personnalité de votre Dieu, si elle n’y a pas été préalablement introduite par vous ; en d’autres termes, si ce Dieu n’est pas déjà l’idée de votre personnalité, votre propre essence subjective.

Pour ne pas laisser la moindre obscurité dans mon explication, je vais y ajouter encore deux mots. Créé est ce qui jadis n’exista pas et n’existera pas toujours ; on peut donc se le représenter comme non-existant, comme n’ayant pas en lui-même la cause de son existence : « Cum enim res producantur ex suo non-esse, possunt ergo absolute non-esse, adeoque implicat quod sunt necessariæ (Duns Scot. chez Rixner, II, 78). » Or, une existence qui n’est pas nécessaire n’est pas digne d’être appelée existence : « Creatio non est motus, sed simplicis divinæ voluntatis vocatio ad esse eorum, quæ antea nihil fuerunt et secundum se ipsa et nihil sunt, et ex nihilo sunt (Albert-le-Grand, Sur la Science Merveill., Dei P. II, tr. 1, qu. 4, art. 5, mem. II). » D’où s’ensuit, comme le monde est une ombre inutile et passagère, que Dieu, qui la projette à volonté, est un être éternel et nécessaire « Sanctus dominus Deus ! dit Aur. Augustin (Confess. XII, 7), omnipotens in principio, quod est in te, in sapientia tua, quæ nata est de substantia tua, fecisti aliquid et de nihilo ; fecisti enim cœlum et terram non de te, nam esset æquale unigenito tuo, ac per hoc et tibi et nullo modo justum esset, ut æquale tibi esset quod in te non