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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

morphose est réelle. Le protestant est trop prudent pour s’expliquer davantage ; Buddéus dit (l. c. V. 1, paragr. 13 et 17) : « Nostrates, præsentiam realem consecrationis effectum esse, affirmant : idque ita, ut tum se exserat, cum usus legitimus accedit ; − nec est quod regeras, Christum hæc verba : hoc est corpus meum, protulisse antequam discipuli ejus comederent, adeoque panem jam ante usum corpus Christi fuisse. » Le protestant croit avoir un grand avantage sur le catholique, qui dans sa naïve simplicité admet un pain-Dieu ou un Dieu-pain renfermé dans une boîte, auquel une souris, un insecte peut s’attaquer ; le protestant n’admet le Dieu que dans l’intérieur de sa bouche, ce qui est en effet une certaine garantie de sûreté pour le Dieu transformé : mais l’un et l’autre sont également des théophages. Au commencement du moins, la différence est nulle ; à Anspach, en Bavière, par exemple, les protestans discutèrent la question : « Le corps du Christ arrive-t-il dans l’estomac ? y est-il digéré comme d’autres alimens ? est-il ex-pulsé plus tard par le tube intestinal, comme d’autres alimens ? (Apologie de Melanchthon, par Strobel. Nürenberg, 1783, p. 127.) »

Dans le catholicisme, la substance du pain et du vin est détruite par la toute-puissance de Dieu : « Accidentia eucharistica tamdiu continent Christum, quamdiu retinent illud temperamentum, cum quo connaturaliter panis et vini substantia permaneret : ut econtra, quando tanta fit temperamenti dissolutio, illorumque corruptio, ut sub iis substantia panis et vini naturaliter remanere non posset, desinunt continere Christum (Theol. schol., Metzger, 1. c., p. 292). » Cela signifie évidemment que le pain reste chair tant que le pain reste pain ; si le pain se gâte et disparaît, la chair n’existera pas non plus ; il faut pour que le pain puisse être consacré, qu’il soit d’une dimension médiocre, au moins telle qu’on puisse reconnaître ce pain pour du pain (Metzger, p. 284). Du reste, la transsubstantiation dans l’Église romaine, cette conversio realis et physica totius panis in corpus Christi est la continuation conséquente des miracles de l’Ancien-Testament et de l’Évangile. La transformation de l’eau en vin, d’un bâton en un serpent, des pierres en fontaines (Psaume 114), sont des transsubstantiations bibliques qui peuvent servir d’exemples pour préparer la foi au miracle des miracles, au dogme central, à la transformation d’un pain terrestre en chair divine. Celui qui a hébété son esprit au point