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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

roi chrétien, dans un royaume chrétien : « Docuimus… pertinere ad reges religiones, non solum adulteria vel homicidia vel hujus modi alia flagitia seu facinora, verum etiam sacrilegia severitate congrua cohibere : dit le père des pères (Epist. ad Dulcit.). » Augustin veut donc que le magistrat punisse l’hérésie ; comme Luther : « Les rois ont à servir le Christ, le Seigneur des seigneurs, et à augmenter sa gloire par des lois. Là où des erreurs hérétiques tendent à la diminuer, sans se laisser imposer silence par des exhortations, il faut que l’autorité politique tire enfin le glaive pour maintenir le service divin intact et pour sauvegarder la paix (XV, 110). » Augustin justifie d’une manière singulière (De Correct. Donat. c. 6) l’emploi de la force armée contre les hérétiques et pour l’augmentation de la foi : « Saint Paul, dit-il, lui aussi fut converti par la force, c’est-dire par un miracle. » La connexité entre les châtiments temporels ou politiques des hérétiques, et leurs châtiments éternels ou spirituels, résulte déjà de ce que les mêmes raisons dont on a combattu leurs châtiments matériels sont applicables contre l’éternité des punitions infernales, ainsi, par exemple, si vous ne voulez pas punir l’hérésie parce qu’elle vous parait être une erreur et non un crime, vous devez comprendre que Dieu à son tour ne la punira pas aux enfers. Si vous admettez que la force, soit brutale, soit raffinée, est contraire a l’essence de la foi, alors il faut rayer l’enfer car c’est la crainte des tourments infernaux qui pousse l’homme bon gré mal gré dans le filet de la foi. Bœhmer. dans son Jus ecclesiast., ne met pas dans la classe des crimes l’hérésie et la mécréance ; celle-ci, dit-il, n’est qu’un ritium theologicum, un peccatum in Deum. Mais Dieu, au yeux de la foi, n’est point seulement un être religieux, mais aussi un être politique, juridique, le Roi des rois, le véritable chef de l’état ; « Toute autorité est de Dieu, elle est la servante de Dieu (Epist. aux Romains 13, 1, 4). » Ainsi, en admettant de Dieu la notion juridique de majesté, de dignité royale ou impériale, on admet implicitement que l’impiété ou l’athéisme soit un crime de lèse-majesté. Ajoutons que la loi des suspects en religion devança celle en politique : « Ita ut de jure canonico revera crimen suspectidetur, cujus existentiam frustra in jure civili quaerimus (Bœhmer I. .c. V, tit. VII, § 23-42). »

Les actes inhumains ou contraire à la fraternité, qui nous frappent dans l’histoire de la religion chrétienne, répondent, il est vrai au christianisme ; le dogme est parfaitement responsable de toutes