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RÉPONSE À UN THÉOLOGIEN

divine de la parole, ou du Christ qui signifie la force divine du cœur ; un passage où j’aurais imputé au christianisme la nature en Dieu ? Il n’en trouvera aucun. Et quand il m’attaque à propos de mon matérialisme effroyable et scandaleux qui, selon lui, s’exprime dans ce que j’ai dit à la fin du livre sur la sainte Cène, sur manger et boire comme étant un acte vital divinisé par le christianisme, je prends la liberté de lui dire que cette opinion n’appartient point à moi, mais qu’elle est bien la base d’un dogme qui appelle ouvertement manger et boire les deux manières par lesquelles le croyant doit s’approprier l’objet sacré. — M. Muller s’écrie « Ah ! que dirons-nous de cette méthode dialectique qui dissèque le christianisme et le définit comme un composé de supranaturalisme, d’égoïsme, d’arrogance, etc » Eh bien ! prouvez-moi le contraire, prouvez-moi que le miracle ne soit pas un désir supranaturaliste réalisé, que la Résurrection ne soit pas le désir surnaturellement réalisé de l’existence individuelle après la mort, que la toute-puissance de la bonté de Dieu ne soit pas la toute-puissance du cœur humain si affectueux, si généreux, que le Ciel ne soit pas le désir surnaturellement réalisé d’un éternel bonheur humain, etc., etc. — Comment M. Muller a-t-il pu rejeter, comme anti-chrétienne, la doctrine du Dieu martyrisé et mourant ? Ne voit-il donc pas que sans elle, c’est-à-dire quand on n’entend pas réellement mais allégoriquement la passion de Dieu, il n’y a plus d’Incarnation réelle ? voudra-t-il en faire une froide et vide phrase ? Mais elle agit toujours ainsi, cette théologie ce qui a été affirmé par l’âme religieuse, est bientôt après nié par la réflexion théologique.

Le point culminant de mon livre, au point de vue philosophique, c’est la déduction de la Trinité, d’un Dieu aimant ; j’y ai démontré (voyez aussi mon écrit sur sur Leibnitz) que l’idée de l’existence objectivement réelle se rallie infailliblement à l’idée de la nécessité et du besoin. Le christianisme est né du cœur, en tant qu’il est né du désir vraiment sublime (ou divin) de l’homme de faire du bien à ses semblables et de souffrir pour eux. — M. Muller admire même mon enthousiasme dans certains passages, et il n’y voit qu’un effet victorieux du christianisme que j’aurais subi malgré moi. Je le prie de remarquer que l’enthousiasme est chez moi toujours vrai, naturel, spontané, mais je le fais toujours surveiller par mon intelligence. Je déteste la méthode qui critique le christianisme d’une