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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

de chaque dogme, de chaque institution du christianisme ancien, véritable, que dans la destination, dans l’acception de ces institutions-là en tant que chrétiennes ou, si vous voulez, christianisées. Je m’occupe de la signification qu’un dogme a dans le christianisme, et nullement de celle qu’il a pu avoir dans des religions autres et antérieures. Ainsi, M. Lutzelberger prouve très bien que les récits des miracles chrétiens se réduisent, en dernière analyse, à des absurdités que ce sont des inventions et amplifications, des allégories et hiéroglyphes ; que Jésus Christ n’a donc point été un thaumaturge, un faiseur de miracles, ni même, en général, le grand personnage que la Bible nous représente, etc. etc.

Moi, je ne cherche point à me rendre compte de tout ce qu’a été ou qu’a pu être Jésus-Christ, le Christ réel, naturel. Je ne m’efforce point à le distinguer subtilement du Christ poétique, surnaturel. J’admets, au contraire, le Christ tel que la religion me le donne, et je démontre que cet être surhumain est simplement une créature du cœur humain, de l’imagination humaine, un produit idéal de nos facultés intellectuelles exaltées, où l’homme se pose comme objet réel en dehors de lui-même, c’est-à-dire où il s’objective. Je ne demande non plus si tel ou tel miracle, si un miracle quelconque a pu arriver ou non ; je démontre la nature du miracle en général, et cela non a priori, mais par les exemples des miracles bibliques. Ayant fait ceci, je réponds à toutes les questions sur la réalité, la possibilité, la nécessité des miracles, de façon à rendre inutiles et impossibles désormais ces questions elles-mêmes.

Enfin, quant aux rapports qu’il y a entre mon livre et ceux de MM. David Strauss et Bruno Bauer, en compagnie desquels on me cite souvent je me bornerai à dire que les titres seuls de nos ouvrages indiquent déjà assez la différence des matières traitées par chacun de nous. M. Bruno Bauer a fait la critique de l’histoire évangélique, du christianisme, ou plutôt de la théologie biblique.

M. David Strauss a fait la critique de la doctrine chrétienne, de la dogmatique,et celle de la biographie de Jésus-Christ. Moi, au contraire, j’étudie le christianisme en tant que religion ; je ne cite guère que les auteurs pour qui il est une religion, et non seulement une théologie. Mon objet est le christianisme religieux, pour