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VIE D’ÉRASME.

Nicolas V, protecteur de Bessarion et de Laurent Valla, laissait à sa mort (1455) la bibliothèque du Vatican riche de cinq mille volumes. Hallam, rapprochant ce souvenir de la défense faite par un autre pape, Grégoire Ier, de lire les auteurs anciens, a écrit : « Ces deux grandes figures, semblables aux statues de la Nuit et du Matin, par Michel-Ange, apparaissent debout aux deux parties du moyen âge, emblèmes et précurseurs du long sommeil de l’esprit humain et de son réveil[1]. »

L’ombre s’étendait sur les autres parties de l’Europe. Cependant un regard attentif eût distingué, dans les Pays-Bas et en Allemagne, comme les premiers efforts du réveil. Quinze ans après la mort de Gérard Groot, qui en avait tracé le règlement, la célèbre confrérie des frères de la vie commune s’établissait à Deventer, et envoyait des colonies de tous côtés. En 1430, on comptait déjà quarante-cinq écoles d’instruction primaire, où l’on enseignait quelques éléments de latin, et le nombre en était plus que triplé en 1460. La découverte de l’imprimerie, qui date du milieu du xve siècle, allait hâter ces progrès. Des presses s’établissent dans les principales villes de l’Allemagne, et les élèves de Fust se répandent en France et en Italie. L’Angleterre avait dormi un trop long sommeil pour le secouer aussi vite, et, malgré les réclamations patriotiques de Hallam, il n’est guère possible de voir à cette époque dans l’Université d’Oxford un centre d’études sérieuses. Le mouvement du génie anglais, retardé par la longue durée des guerres civiles, ne devait réellement dater que de la Réforme. En France, la scolastique paralysait encore les qualités heureuses de l’esprit national, et semblait

  1. Hallam, Hist. de la littérature de l’Europe pendant les xve, xvie et xviie siècles, t. i, ch. 3.