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VIE D’ÉRASME.

langue n’était régulièrement enseignée dans aucune école[1]. Aucun texte grec n’était sorti d’une presse française[2]. On se rappelait qu’en 1458 un Grec, Grégoire Tiphernas, était venu en France, qu’il avait donné des leçons à Robert Gaguin et à un Allemand, nommé Jean Stein. L’un et l’autre avaient été les maîtres de Reuchlin, mais ils n’avaient pas fait d’autres élèves. Un autre Grec, Hermonyme de Sparte, « un de ces exilés, dit M. Egger, qui promenaient leur misère de pays en pays, » était venu à son tour en 1476 : il avait donné quelques leçons à Budé, qui s’en était fort peu loué ; « il balbutiait le grec, nous dit de lui Érasme, il n’aurait pu l’enseigner, s’il l’avait voulu, et ne l’aurait pas voulu, s’il l’avait pu[3]. » Érasme s’adressa à un Michel Pavius, que nous ne connaissons que par lui, « un Grec deux fois Grec, écrit-il, toujours affamé et qui lui fait de dures conditions[4]. » Il le congédia et résolut d’être son propre maître[5].

Cependant quels obstacles ne s’abaissaient pas devant l’ardente volonté des hommes de la Renaissance ? À ces théologiens qui abritaient leur paresse sous le couvert de

  1. V. Guillaume Budé, restaurateur des études grecques, par D. Rébitté (Paris, 1846), p. 51. Selon Duboulay, ce fut Le Fèvre d’Étaples qui le premier en 1504 expliqua la grammaire grecque de Gaza au collège de Coqueret.
  2. Le premier livre grec imprimé en France parut en 1507. V. l’ouvrage cité de M. Rébitté, p. 35. M. Egger (7e leçon de l’Histoire de l’Hellénisme en France) ne fait dater que de l’édition de Sophocle de Simon de Colines (1529) la série des publications savantes. En Italie, la grammaire de Constantin Lascaris avait paru à Milan dès 1476 et de 1476 à 1500. Alde avait publié plusieurs ouvrages importants dans cette langue.
  3. Catalogus (ab Erasmo descriptus).
  4. Ép. 75.
  5. « Ipse coactus fui mihi præceptor esse, » et Budé dit aussi de lui-même : « Αὐτομαθής τε καὶ ὀψιμαθής. »