Page:Feugère - Érasme, étude sur sa vie et ses ouvrages.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
VIE D’ÉRASME.

apercevoir de loin et fuir leur approche. Le rabat blanc que portait Érasme sur son habit de chanoine le fit prendre pour un pestiféré, et comme il paraissait ne chercher à éviter personne, on le poursuivit en criant : Tuez le chien ! tuez le chien ! un prêtre passa et murmura à voix basse et en latin : les ânes ! mais il ne fit rien pour délivrer Érasme. Celui-ci se tira à grand’peine de ce ridicule danger et demanda à Jules II de ne plus porter le rabat. Le pape le lui permit à la condition qu’il serait toujours revêtu de l'habit ecclésiastique. Léon X confirma à son tour cette exemption[1]. Ce fut le seul signe extérieur que garda Érasme de l’engagement qu’on lui avait imposé, et l’on ne voit nulle part qu’il en pratiquât jamais les autres devoirs. Dans la lettre qu’il écrivit à ce sujet à Grunnius, il déclare qu’il n’est pas plus lié par ses vœux que « s’il avait juré de commettre une action honteuse à des pirates qui l’auraient menacé de le faire mourir. » Léon X accepta les raisons d’Érasme et dit : « Le Christ aime la piété libre et non les prisons d’esclaves. »

Au milieu de ces contre-temps, la vie d’Érasme à Bologne fut encore active et laborieuse. On le pressa de faire des leçons publiques : il s’y refusa, persuadé qu’on se moquerait de sa prononciation étrangère. D’ailleurs, il était surtout préoccupé de refondre entièrement le livre des Adages, dont la première édition, publiée à Paris, ne lui paraissait digne ni du sujet ni de lui-même. Ce fut pour surveiller l’impression de cette édition nouvelle qu’Érasme se rendit à Venise à la fin de 1507, l’année même où Louis XII reprenait Gênes.

On a dit de Venise qu’elle était la Hollande du

  1. App. Ep. 442.