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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

second personnage de l’empire, répugnait beaucoup à l’idée de quitter le sol natal et de contracter un hymen étranger ; cependant elle se soumit par patriotisme et par affection filiale ; elle partit sous la conduite de son père. Dès le premier gîte, ils s’arrêtèrent chez un vieux seigneur, qui avait jadis habité la cour et qui se consolait dans la retraite en élevant un fils, appelé Léontin, doué de l’extérieur le plus séduisant : rencontre périlleuse, dont mademoiselle de Gournay prend occasion pour disserter sur les caractères de l’amour et sur ses causes, ainsi que ses espèces et ses résultats, La digression est un peu prolongée, et l’auteur, qui s’en aperçoit, allègue pour son excuse la puissance même de l’amour. Cette puissance devait être éprouvée par Alinda et Léontin. Le jeune homme, comme on le pense, n’avait pu voir la belle fiancée sans une vive admiration, à laquelle se mêla presque aussitôt un sentiment plus tendre. Un accident vint seconder le développement de cette passion et la rendre insurmontable. Le satrape fut retenu dans ce séjour par une maladie soudaine. À la faveur de ce délai, Léontin, de plus en plus épris, fit partager son amour à la jeune fille, qui consentit, après de longs combats, à s’enfuir avec lui. Une barque arrêtée dans le port voisin reçut les fugitifs. Mais la colère des dieux ne tarda pas à les poursuivre. Une tempête affreuse éclata et les jeta sur une plage lointaine, dans une contrée sauvage de la Thrace, où l’un des plus riches et des principaux habitants du pays leur offrit une hospitalité destinée à leur être funeste. »