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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

der une telle grâce : l’exécution fut commandée pour la nuit prochaine. Cependant une autre victime s’apprêtait à périr. Après avoir écrit au perfide Léontin une lettre touchante qui devait lui apprendre le lendemain pourquoi elle avait voulu mourir, elle prit la place de celle qui était désignée aux coups de l’aveugle Othalque. Les satellites l’égorgèrent effectivement : puis, s’apercevant de leur méprise, ils s’enfuirent épouvantés. En ce moment le barbare accourait, impatient de savoir le meurtre accompli, pour en porter à celle qu’il aimait la première nouvelle ; à la vue de ce corps ensanglanté, quelle fut sa stupeur ! Léontin, au même instant, troublé du message qu’il avait reçu, cherchait de tous côtés Alinda. Attiré par les cris qui retentissaient autour du cadavre, il se précipite, la reconnaît, la serre dans ses bras, tente de la réchauffer contre son sein, et presque aussitôt, lassé de ses impuissants efforts, il tire son poignard et se punit, en se perçant le cœur, du crime d’avoir causé ce trépas. Un tombeau, élevé par les soins du Thrace et de sa sœur désespérés, réunit les cendres des deux époux. »

Par la variété et par la nature de ses incidents, cette histoire était très-propre à plaire au seizième siècle : elle eut assez de vogue pour ne pas manquer de critiques. Les rigoureux du temps reprochèrent à mademoiselle de Gournay d’avoir traité un sujet amoureux. C’est ce qu’elle nous apprend en reproduisant cette œuvre de sa jeunesse, sur l’invitation expresse de quelques dames du premier rang ; et à cette occasion, pour réfuter ses censeurs, elle se couvre de l’exemple d’Hé-