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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

tamment, c’est là son texte favori, sur les préventions très-injustes, suivant elle, de ceux qui s’obstinent à publier qu’elle a dissipé follement une fortune considérable :

Je ne m’accuse pas du défaut de ménage.
De ce reproche en vain le vulgaire m’outrage :
Pour me voir sans moyens, sans ménage on me croit.

Sa singulière excuse de n’avoir pas conservé son patrimoine, c’est qu’il était trop peu important pour mériter qu’elle en prît soin : au reste elle a toujours été, remarque-t-elle, plus curieuse d’honneur que d’argent. On le croira sans difficulté. On pensera aussi que l’économie, si elle y prétend à bon droit, fut chez elle une qualité acquise plutôt qu’innée ; elle le confesse dans les vers suivants :

L’équité, la candeur, je les tiens de nature ;
L’ordre, je l’ai gagné par temps et par lecture.

Ici encore, mademoiselle de Gournay ne se fait pas faute d’avouer sa foi à l’alchimie, tout en niant qu’elle l’ait entraînée à de ruineuses folies[1]. Ce ne fut qu’avec peine, et assez tard, qu’elle se détacha de cette superstition. On le reconnaît par cette note ajoutée, dans la dernière édition de ses Œuvres, à un passage qui la montre en quête de la pierre philosophale : « Cela fut durant la première impression de mon livre, et n’est plus dès longtemps. » Curieux progrès d’une raison particulière, qui dénote le progrès des lumières publi-

  1. On prétendait que l’alchimie ne lui avait pas coûté moins de cinquante mille écus ; mais elle ne les avait jamais possédés.