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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

raffinement, le festin de ce jour, disait-elle, « plus friand et plus dépensier que vingt autres ordinaires, durait trois heures au moins, sans hyperbole. » C’est ainsi que son dévouement à l’Église, « colonne et firmament de la vérité, l’engage à faire la guerre aux abus, petits ou grands, qu’elle abrite ou tolère. Elle ne se préoccupe pas seulement des pasteurs, mais de tout le troupeau des fidèles. Un grave inconvénient l’a frappée : établie pour épurer les cœurs, la confession lui semble essentiellement détournée de son but par la manière dont certaines personnes la comprennent et l’appliquent. Elles lui supposent, pour effacer toutes les fautes, sans exception, une vertu infaillible ; et, par un bénéfice anticipé de ses résultats, elles pèchent sans crainte, sûres de leur pardon futur : l’ont-elles obtenu, elles retombent, vicieuses avec prévoyance, dans la même sécurité criminelle. Cette illusion funeste dont se bercent des consciences égarées, mademoiselle de Gournay s’attache à la dissiper ; elle s’arme, pour la combattre, de scrupules salutaires, et s’ingénie à prouver que les menues pratiques de la dévotion ne suffisent pas pour sauver les âmes, et qu’il faut, pour désarmer le ciel, non un simple mouvement de déplaisir ou de crainte, mais un repentir sincère et persévérant : nobles efforts qui témoignent du moins de ses lumières autant que de son zèle religieux.

À la suite de ce traité, où mademoiselle de Gournay s’est faite théologienne par occasion, elle soutient une thèse morale ainsi énoncée : « Par nécessité, les grands esprits et les gens de bien cherchent leurs semblables. »