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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

On devra le reconnaître sur ces vers et d’autres qu’il serait aisé de citer, malgré la grande réputation contemporaine de du Perron et de Bertaut, mademoiselle de Gournay est loin de leur avoir cédé l’avantage. Tout au contraire. Plus harmonieuse et moins tendue que le premier, elle a plus de concision et de justesse que le second ; elle l’emporte sur l’un et l’autre en vigueur et en éclat poétique. Si on peut lui reprocher, avec l’abus de métaphores hardies à l’excès, celui de mots vieillis ou de grands mots qu’elle avait retenus de Ronsard et de du Bartas, il faut y louer aussi des beautés d’un ordre élevé. Quant à la traduction du sixième chant de l’Énéide[1], elle offre également, bien que mademoiselle de Gournay n’y ait travaillé que dans un âge avancé, plusieurs fragments pleins de verve. Bon nombre de vers s’y font remarquer par des traits vifs et brillants : on trouve surtout dans les discours un tour nerveux et une allure animée.

Mademoiselle de Gournay a fait encore d’autres excursions dans l’antiquité. Parmi quelques pièces gracieuses qu’elle en a reproduites, se trouve le dialogue d’Horace et de Lydie, où son style a plus de recherche maniérée que de véritable élégance. Elle a été plus simple et plus heureuse dans la traduction de la seconde idylle de Bion.


Un enfant aperçoit, traversant un bocage.
Un autre enfant qui fuit de ramage en ramage :

  1. Ce chant, comme le quatrième, avait été traduit par Joachim du Bellay, en vers de dix syllabes, réputés alors, on le voit par la Franciade de Ronsard, plus propres à la poésie héroïque.