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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

lit-on dans ce naïf écrivain, avait l’âme candide et généreuse. » Il remarque de plus « qu’elle savait force choses qui ne sont pas ordinaires aux personnes de son sexe[1], et que ceux qui l’ont voulu railler n’ont pas trouvé sujet de s’en glorifier. »

La critique de nos jours doit partager ces sentiments. En rendant justice à ses qualités morales, à ce que son cœur avait d’élevé et de viril, à son désintéressement (sur ce point, en effet, nous avons opposé un fait à des accusations peu réfléchies : c’est qu’après avoir obtenu une petite pension qui lui assurait seulement le nécessaire, elle ne souffrit pas qu’on l’augmentât en aucune façon), on ne négligera pas, au point de vue littéraire, de revendiquer pour elle, dans son époque, le rang qu’elle a mérité par ses efforts. Sans doute la plupart de ses œuvres ont beaucoup vieilli ; mais on a pu apercevoir que, pour l’histoire de la société et de l’esprit en France, qui est encore à faire, on ne la consulterait pas sans fruit. Si elle a plus d’érudition que de goût, lorsque, se rappelant par exemple le frigidulos singultus de Catulle, elle parle d’une dame qui pousse de son sein « maint sanglot froidelet ; » si elle s’embarrasse dans des raisonnements compliqués et des distinctions subtiles ou multiplie à l’excès les digressions, alléguant comme excuse que « son sexe aime à causer ; » enfin, si, pour la facilité et l’agrément du style, elle retarde, par une conséquence de ses princi-

  1. Il est certain qu’elle cite d’habitude non-seulement les plus grands, mais aussi les plus rares monuments de l’antiquité classique. Elle possédait aussi parfaitement la littérature italienne, etc.