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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

sieurs publications de nos jours, très-justement redressée[1]. De quelle révolution dans le goût et dans les mœurs, de combien d’événements elle fut témoin ! Elle avait vu le jour sous Charles IX, et traversé le règne de Henri III, dévouée à son roi, mais non sans éprouver quelque inclination pour les brillants chefs de la Ligue ; au sentiment de l’amour, sous Henri IV, elle avait ajouté celui de l’admiration ; elle avait célébré Louis XIII, lorsque ce prince se montra roi, du moins à la tête de ses armées ; en dernier lieu, comme un débris de la France ancienne au milieu de la nouvelle, elle saluait l’avènement du jeune Louis XIV à un trône qui devait être entouré de tant de gloire.

Cette fidélité touchante aux personnes et aux choses du passé, cette innocente et candide opiniâtreté d’affection suffisaient déjà pour nous intéresser à la mémoire de mademoiselle de Gournay. À ceux qui ont la religion du souvenir, fût-ce même jusqu’au ridicule, nous ne saurions refuser notre sympathie. Mais il nous a été facile de montrer qu’indépendamment de ce trait de caractère, elle était à bon droit le sujet de notre étude. Elle a uni des qualités littéraires non méprisables à une grande richesse de sève nationale et d’inspiration patriotique : dans l’in-quarto poudreux qui recèle ses œuvres, il y avait quelques pages à sauver de l’oubli. Aux talents d’un esprit distingué elle a joint de plus l’élévation d’un noble cœur. Enfin, n’eût-

  1. Voyez surtout à ce sujet les derniers ouvrages de M. V. Cousin : la Société française au XVIIe siècle, Madame de Sablé, etc., et M. de Noailles, dans son Histoire de madame de Maintenon, t. I, p. 87-99.