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HONORÉ D’URFÉ.

motifs sérieux ? En lisant ce roman, Henri IV, à qui en furent dédiées les deux premières parties, quoiqu’il n’aimât pas l’auteur, ancien soldat de la Ligue, oubliait les douleurs de la goutte et les fatigues de l’insomnie[1]. Patru l’admirait dès le collège ; et dans ses Historiettes Tallemant des Réaux nous apprend que, chez le cardinal de Retz, l’on tenait à honneur de bien savoir son Astrée. Longtemps après cette époque, on puisait à cette source presque tous les sujets traités au théâtre : de là, pour désigner une comédie, on disait une pastorale[2]. La Fontaine, qui en tira un opéra assez maigre, jugeait exquise l’œuvre de d’Urfé. Il nous raconte qu’il l’avait lue, étant petit garçon, et que, sa barbe grisonnant, il y revenait encore. Pellisson nommait d’Urfé « l’un des plus rares et des plus merveilleux esprits de la France. » La Rochefoucauld était, lui aussi, grand partisan de l’Astrée. Le suffrage du rigide Boileau ne lui a pas non plus été refusé[3]. Ce roman faisait rêver J. J. Rousseau, jeune et confiant dans l’avenir[4] ; il le consolait vieux, mécontent de lui-même et des autres, en proie aux chimères d’une imagination égarée.

C’est que d’Urfé sait en effet parfois attendrir ou

  1. Voyez les Mémoires de Bassompierre, année 1609. — D’Urfé ne donna la troisième partie qu’après un assez long intervalle de temps, comme pour laisser le loisir d’admirer, et cette partie fut dédiée à Louis XIII (1619).
  2. Segraisiana, 1721, in-8o, p. 145.
  3. Discours sur les héros de roman. — On peut voir sur d’autres suffrages importants que cet ouvrage a recueillis, Dunlop, History of fiction, t. III, p. 484.
  4. Voyez les Confessions, 1re partie, livre IV.