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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

lonté, un même désir et un même courage, en sorte que la peine aussi leur était un même plaisir. » Il prit ensuite une part très-efficace à l’attaque de Lans et à celle de Courteville, toujours prêt à payer de sa personne, et homme de main autant que de conseil, habitué à réussir là où il semblait à tout autre que le succès fût impossible.

Bientôt son audace fut assez connue pour qu’on s’accordât à lui confier toute entreprise hasardeuse qui eût échoué en d’autres mains et qu’il savait conduire à bonne fin. Mais quels étaient les moyens dont il disposait à cet effet et qui ne lui firent jamais défaut ? Nous les énumérerons d’après lui. Ce qu’il recommandait ou ce qu’il interdisait aux autres, il se le commandait ou se le défendait à lui-même plus encore, jugeant que l’exemple était plus efficace que toutes les paroles. Dans ce but et dès sa première jeunesse, aussitôt qu’il avait porté enseigne, pour se rendre digne d’être obéi, il avait voulu être son propre maître, et les passions qui usurpent sur nous un pouvoir si tyrannique l’avaient trouvé prêt à les combattre. Avec l’énergie de son langage militaire, il nous dit qu’il avait dès lors appris « à se châtrer du jeu, du vin et de l’avarice, » bien persuadé, ajoute-t-il noblement, « que tout capitaine qui serait de complexion adonnée à ces vices n’était pas pour parvenir à être un grand homme. » Pour l’amour des femmes, il jugeait aussi qu’aux hommes qui s’y laissent asservir « il faut une quenouille et non une épée. » Il fuyait donc et conseillait de fuir ces plaisirs comme autant d’obstacles à l’avan-