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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

pour se sauver, soit pour négocier. » Plus d’une fois, avec ce talent d’orateur qu’on ne saurait lui contester, Montluc harangua les Siennois dans leur propre langue et de la manière la plus efficace[1]. Pour le succès, en véritable Gascon qu’il demeurait toujours, même dans ses moments les plus sérieux, il ne négligeait aucun détail de mise en scène. Pour réparer son délabrement physique, il se couvrait de riches vêtements, il frottait ses joues pour simuler le coloris de la santé ; il voulait par-dessus tout faire illusion sur son état à ceux qui lui avaient donné leur confiance.

Tel était toutefois son affaiblissement graduel, que les médecins, ne pouvant obtenir qu’il prît aucun repos, ne tardèrent pas à désespérer de lui, et qu’à plusieurs reprises on répandit le bruit de sa mort. Mais des prodiges nouveaux de dévouement, d’habileté, d’héroïsme, attestaient bientôt qu’il avait conservé la vie. Présent lorsqu’on l’attendait le moins, et toujours inépuisable en ressources, il jouait à la fois le rôle de soldat, de capitaine, de général. Et l’on reconnut que là comme ailleurs aucun ne savait mieux que lui entraîner ses compagnons au combat, ramener et décider la fortune.

Sa vigilance était en outre infaillible, de sorte que la ruse n’avait pas plus chance de prévaloir auprès de lui que la force ouverte. Pour éviter d’être trompé, son principe constant était de croire que son ennemi

  1. À l’entendre parler en public, dit-il, on pouvait s’étonner « qu’un Gascon fût devenu si bon Italien. »