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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

dans le caractère des vieillards ; il loue le temps passé aux dépens du présent : Laudator temporis acti. « Tout s’en va à l’envers, dit-il, sans que ceux qui vivent puissent espérer de voir les choses en meilleur état. »

Tels sont les sentiments que les Commentaires nous font connaître chez Montluc, et qui contribuent à éclairer sa vie[1].

S’étonnera-t-on qu’il ait poursuivi avec tant d’acharnement les partisans de la réforme, lorsque nous trouvons chez lui ces idées d’obéissance passive et de fidélité absolue à l’égard du souverain ; en outre les traces partout empreintes de son antipathie pour ce qu’il nomme la religion nouvelle. Suivant lui, « il n’y a point au monde un si bon peuple ni noblesse qui aime plus son roi (qu’en France), si cette nouvelle religion ne l’eût corrompue ; car certes elle a tout gâté. »

Rappelons-le cependant à la fin de cette étude, quelle que soit sa pensée à cet égard, il s’alarme des impitoyables rigueurs qu’elle lui a inspirées et des flots de sang qu’elle lui a fait verser. Que dis-je ? au souvenir de tant de malédictions des veuves et des orphelins qu’il a faits, il lui semble qu’il a besoin de quelque grande expiation : et « se jugeant bien heu-

  1. Son amour-propre, a dit M. Saint-Marc Girardin dans son Tableau du seizième siècle, fait l’unité, ses passions font l’intérêt de ses mémoires. Le même critique, qui y signale une verve singulière d’imagination, cite Brantôme et Montluc parmi ces Gascons hardis, délibérés, qui, dit la Ménippée, gagnent leur vie en une heure, et qui ont décrit, sans être historiens, les hommes et les événements de leur siècle d’une manière remarquable.