Page:Feydeau - Amour et piano.pdf/35

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ciante aux choses du dehors. L’orgueil qu’amène souvent la renommée, n’a pas de prise sur vous et votre accueil est si charmant qu’on se trouve tout de suite à l’aise en votre présence. Ainsi, tenez, moi quand je suis venu à vous tout à l’heure, timide et tremblant, vous ne m’avez pas repoussé, vous m’avez accueilli, très bien accueilli, avec de la musique… même beaucoup de musique et au lieu de l’échec que j’attendais c’est un triomphe que je remporte ! Je craignais d’être mis dehors, et, non seulement je reste, mais encore, vous me faites l’honneur d’accepter un petit souper chez Brébant. Tenez, mademoiselle, ma chère mademoiselle, laissez-moi vous le dire, vous êtes un ange.

Lucile, effrayée.

Assez, monsieur, assez…

Édouard.

Eh bien, non, ce n’est pas assez ! Je suis riche moi, j’ai de la fortune ! Je veux que vous ayez tout ce que vous désirez ! qu’il n’y ait un de vos caprices qui ne soit immédiatement satisfait. 400 francs par mois, dites-vous ! Mais vous en aurez le double, le triple, je vous en donnerai plus que vous n’en voudrez ! Vous aurez des huîtres à tous vos repas puisque vous les aimez ! Mais vous m’aimerez un peu, moi aussi. (Lui prenant les mains.) Dites-moi, n’est-ce pas, que vous m’aimerez un peu ?

Lucile, effrayée.

Ah ! laissez-moi, monsieur.

Édouard.

Voyons, vous ne me comprenez pas ! Vous n’avez donc jamais lu Roméo et Juliette, Paul et Virginie, Daphnis et Chloé, Héloïse et Abeilard. Eh bien, voilà ce que je suis, un Roméo sans Juliette, un Paul privé de Virginie, un Daphnis à la recherche d’une Chloé, un Abélard à la… non, ça n’a pas de rapport… Mais enfin, c’est vous que j’ai choisie… C’est vous que j’aime et l’amour m’a rendu fou.