Page:Feydeau - Le Potache.djvu/7

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sait à trois temps et moi à quatre. Au bout d’un tour, elle m’a prié de la conduire au buffet. Là j’ai cru le moment venu de lui faire un compliment ; je lui ai dit : « Mademoiselle, nous avons au collège une concierge qui est bien jolie, mais vous êtes encore plus jolie qu’elle ! » C’était très délicat… Elle est devenue toute rouge et m’a demandé de la reconduire à sa place. Elle était émue ! Pauvre enfant !

Pendant le lancier, je suis resté assis… J’étais à côté d’une dame… assez âgée !… Nous avons causé. Tout à coup, elle m’a montré une jeune fille qui dansait : « Voyons ! jeune homme, comment trouvez-vous cette grande demoiselle, là-bas ? » Moi, je réponds : « Peuh ! elle a l’air d’une asperge ! » C’était sa fille ! Elle a fait une tête ! je n’y suis plus revenu.

Enfin, vers cinq heures du matin, j’ai pris congé de la maîtresse de maison. Dans le vestibule, j’ai retrouvé le riche propriétaire, si aimable ; il ne l’avait quitté de la soirée.

En échange d’un petit numéro, il m’a rendu mon caban, et nous avons fait un brin la causette. Je lui ai dit : « Monsieur, cette soirée a été charmante ! et je suis heureux d’avoir fait votre connaissance ! » Alors, il m’a emmené à la cuisine — je ne sais pas trop pourquoi — et il m’a présenté à la cuisinière. Entre nous — faudrait pas le dire à sa femme — mais il a l’air d’être très bien avec la cuisinière. Il lui a dit : « Justine, je te présente Monsieur ! » et nous avons bu un litre. Pendant ce temps, la cuisinière me regardait (avec fatuité) et je crois bien…