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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/184

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Édouard. — Oui ! oui !

Caponot. — À moi ?

Gabrielle. — Oui, à vous aussi, si vous voulez !

Caponot, très digne, se levant. — Permettez ! procédons par ordre ! Madame Édouard, avancez !

Gabrielle, très agitée. — Voilà ! Quoi ?

Caponot. — C’est vous ?… Bien !

Gabrielle, à part. — Oh ! ce qu’il est lent ! ce qu’il est lent !

Caponot. — C’est bien vous, madame, qui, soupant en cabinet particulier, vous êtes livrée sur la joue de mon frère…

Édouard, à part. — Ah ! quel cheval de fiacre !

Caponot. — Et cela dans l’exercice de ses fonctions, à de véritables voies de fait.

Gabrielle, très nerveuse, mais s’efforçant de sourire. — Des voies de fait ! Si l’on peut dire !

Édouard. — Permettez, monsieur le… suppléant ! J’y étais ! Madame a simplement, dans un mouvement nerveux, étendu sa main comme ça… la joue de monsieur votre frère passait par là… il y a eu collision… et alors… n’est-ce pas ?… Enfin… ça arrive tout le temps sur les chemins de fer, ces choses-là !

Caponot. — Enfin ! n’importe ! il paraît, d’après la lettre que vous avez écrite à mon frère…

Gabrielle, à part. — Oh ! ce qu’il m’agace ! ce qu’il m’agace !

Édouard. — Gabrielle ! du calme !

Caponot. — Il paraît, dis-je, que vous seriez décidée à lui faire des excuses ?

Gabrielle. — Mais oui, monsieur ! mais oui, monsieur. Je lui fais des excuses ? Je lui fais des excuses, là !

Caponot, après un temps. — Bien !… Et qu’entendez-vous par faire des excuses ?

Gabrielle. — Eh ! bien, quoi ! j’entends des excuses ! Il n’y a pas plusieurs sortes d’excuses ?

Caponot, même jeu. — Bien !… mais enfin, ces excuses… ?

Gabrielle, très agacée, — Eh bien ! ce sont des excuses.

Caponot. — Oui et non.

Gabrielle. — Si !

Caponot. — Non !

Gabrielle. — Si !

Caponot. — Mais non, ma petite !

Gabrielle, hors d’elle. — Ma petite ! Insolent !

Elle lui donne une gifle et passe à gauche n° 1.

Caponot, n° 3. — Aïe !

Gabrielle. — Oh !

Édouard, éperdu. — Malheureuse ! (Se précipitant vers Caponot.) Oh ! monsieur, il y a maldonne !… je vous en prie, ne faites pas attention !

Caponot. — Vous voulez rire ! quand c’est la deuxième gifle que madame nous applique.

Édouard. — Eh ! bien justement ! deux affirmatives valent une négative.

Gabrielle. — Et puis cela m’a échappé ! Croyez que je suis désolée.

Caponot, sortant furieux par le fond. — C’est bon ! C’est bien ! Les choses restent en l’état.