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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/199

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Le Président, au greffier. — Nous allons entendre les dépositions et procéder à l’interrogatoire.

L’Huissier, appelant à la porte du fond. — Femme Édouard !

Gabrielle, entrant du fond à droite. — Femme Édouard ! c’est, moi, femme Édouard !

Édouard, allant à Gabrielle. — À part. — Ah ! la malheureuse ! Si elle se doutait. (À Gabrielle.) Vite, venez !

Gabrielle, plus morte que vive. — Oh ! oui, dépêchons-nous ! avant que mon mari n’arrive !

Édouard. — Oui, justement, à cause de votre mari !

Le Président, faisant signe à Édouard et à Gabrielle de s’asseoir au banc des prévenus libres, — Asseyez-vous là !

Édouard, au Président. — Faites vite, mon Président, nous sommes un peu pressés.

Le Président. — Je ne vous demande pas votre avis, attendez qu’on vous interroge.

Gabrielle, à Édouard, bas, — Ah ! je meurs de honte !

Édouard. — Oui, oui ! C’est parce que c’est la première fois. On en meurt toujours la première fois, et puis après, on finit par s’y faire.

L’Huissier, appelant. — Le témoin Caponot, commissaire de police. Caponot s’avance jusqu’à la barre.

Caponot. — Monsieur le Président, M. Caponot, mon frère, étant alité, m’a chargé de le représenter. Voici mon pouvoir.

Il le remet entre les mains de l’huissier qui le porte au président.

Édouard. — Monsieur, le Président, je me déclare responsable de tout ce qui s’est passé !

Caponot s’assied au 3e banc des tribunes.

Le Président. — Vous ? Comment vous appelez-vous ?

Édouard. — Édouard Lambert.

Le Président. — Vous n’avez jamais été condamné ?

Édouard, ahuri. — Euh !… Non, pas encore, mon Président.

Samuel, entrant sur la pointe des pieds, au fond à gauche, par la porte du greffe, il se trouve nez à nez avec Gabrielle et Édouard. — Ah ! tiens, Madame !

Gabrielle, à part. — Samuel !

Samuel. — Oh ! Madame a trouvé à se placer ?

Gabrielle, à part. — Ah ! quelle honte ! Devant mon domestique !

Le Président. — Qu’est-ce que c’est donc que ce garçon-là ?

Samuel, se retournant à l’interpellation du Président. Bonjour, m’sieur !

Le Président. — Allez donc vous asseoir.

Samuel. — Mais avec plaisir, je ne demande que ça. Seulement je n’ai pas de place.

Le Président. — Oui ? Eh bien ! je vais vous en donner une… Garde, faites sortir cet homme.

Samuel. — Mais, monsieur le Président…

Le Municipal. — Allons, sortez !

Samuel. — Oh ! encore ! Sont-ils embêtants ! (Au municipal, au moment de sortir.) Rendez-moi mon cigare, alors !

Il sort par la droite, poussé par le municipal.