Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/201

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Miranda, entrant de droite, au premier municipal. — C’est ici que plaide M. Charançon ?

Le premier municipal. — Je crois que oui, madame, mais il n’y a plus de place que dans le fond.

Miranda. — Merci.

Elle se mêle au public qui est debout à droite près de la porte d’entrée. — À ce moment la porte qui mène au banc des accusés s’ouvre toute grande, et le deuxième municipal introduit Ugène, un horrible voyou, qui est immédiatement suivi d’un autre municipal.

Samuel, à Ugène qui le bouscule pour se placer entre lui et Gratin. — Faites donc attention ! bousculez donc pas… (En voyant la tête d’Ugène, il reste saisi de stupeur, se lève instinctivement, en se garant de lui avec le bras droit, tandis que machinalement de la main gauche il enlève sa casquette.) Qu’est-ce que c’est que celui-là !

Ugène, à Samuel, lui tendant la main. — Bonjour, aminche !

Samuel, mettant vivement la main derrière le dos. — Aminche ?

Gratin. — Qu’est-ce que vous dites ?

Ugène, leur tendant la main à tous deux. — Je dis : bonjour, aminches !

Gratin, retirant également sa main. — Oh ! on reçoit du sale monde ici ! (Aux municipaux.) Qu’est-ce que c’est que ce garçon-là ?

Le Deuxième Municipal. — Chut, taisez-vous !

Samuel et Gratin s’écartent autant que possible d’Ugène auquel ils tournent le dos, et gagnent chacun l’extrémité du banc. Samuel fourre son nez dans son mouchoir.

Le Président, cessant de consulter ses assesseurs, et apercevant Samuel, Ugène et Gratin au banc des accusés. — Tiens ! qui est-ce qui a introduit ces accusés ? (Aux municipaux.) Gardes ! emmenez ces trois prévenus au Dépôt ! On ne les jugera que demain !

Le Deuxième Municipal. — Bien, monsieur le Président.

Il tape sur l’épaule d’Ugène, qui se lève et tape lui-même sur l’épaule de Samuel.

Ugène, à Samuel. — Viens-tu ?

Samuel. — Eh ! bien, dis donc, est-ce que je te tutoie ! (Ugène sort. Samuel se rapproche de Gratin. À Gratin.) C’est pas malheureux, on va être tranquille !

Le Deuxième Municipal, leur tapant sur l’épaule. — Allons ! venez, vous !

Samuel et Gratin. — Où Ça ?

Le Deuxième Municipal. — Eh bien, au Dépôt.

Samuel et Gratin. — Comment au Dépôt ?

Samuel, — Au dépôt de quoi ?

Le Deuxième Municipal, impatienté. — Allons, voyons, en route !

Samuel et Gratin. — Mais jamais de la vie !

Le Deuxième Municipal. — Allons ! allons !

Il enlève Gratin de force.

Samuel, se rasseyant. — Emmenez Gratin si vous voulez.

Le Deuxième Municipal. — Et vous aussi… houste !

Il l’enlève également,