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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/223

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Scène unique

À ma petite sœur Henriette.

Une salle d’étude quelconque. René et Henriette sont tous les deux assis vis-à-vis l’un de l’autre, à la table de travail qui occupe le milieu de la scène. Au fond, une fenêtre avec des rideaux blancs. Mobilier "ad libitum." Sur la table, des papiers, des livres de classe, des plumes et de l’encre.

Scène unique

René, Henriette

Au lever du rideau, ils apprennent leur leçon les oreilles dans leurs mains et marmottent entre leurs dents : Maître corbeau sur un arbre perché… maître corbeau sur un arbre perché…

Henriette, après un temps, relevant la tête. — Ah ! que c’est ennuyeux ! Ça ne veut pas entrer.

René — Moi, ça commence !… Je sais jusqu’à "fromage !" "tenait dans son bec un fromage."

Henriette. — Deux lignes !… déjà !…

René. — Oui, et toi ?

Henriette. — Moi, je commence un peu à savoir le titre.

René. — Oh ! tu verras, ça n’est pas très difficile… c’est très bête cette fable-là… c’est pour les petits enfants… mais on la retient facilement.

Henriette. — Dis donc, tu les aimes, toi, les fables de La Fontaine ?

René, bon enfant. — Oh ! non… ça n’est plus de mon âge !

Henriette, naïvement. — Qui est-ce qui les a faites, les fables de La Fontaine ?…

René, très carré. — Je ne sais pas !… il n’a pas de talent.

Henriette, avec conviction. — Non !… D’abord pourquoi est-ce que ça s’appelle les fables de La Fontaine ?

René. — Pour rien… c’est un mot composé… comme dans la grammaire, "rez-de-chaussée, arc-en-ciel, chou-fleur".

Henriette. — Haricots verts.

René. — Parfaitement !