Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/158

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Armandine. — Ouh ! mon petit… Comment donc déjà ?…

Rédillon. — Ernest !

Armandine. — Mon petit Ernest !

Rédillon, s’asseyant à gauche et l’attirant sur ses genoux. — Tiens ! viens sur mes genoux !

Armandine. — Oh ! déjà !

Rédillon. — Oui, déjà !… Oh ! Lucienne ! Ma Lucienne !…

Armandine, sur ses genoux. — Comment Lucienne ! Je ne m’appelle pas Lucienne ! Je m’appelle Armandine !

Rédillon, toujours en extase. — Non, Lucienne ! Laisse-moi t’appeler Lucienne ! Qu’est-ce que ça te fait, j’aime mieux ce nom-là ! Ah ! Lucienne !

Armandine. — Que tu es drôle !… Tiens, ça me rappelle une fois…

Rédillon, même jeu. — Non, ça ne te rappelle rien ! Tais-toi, ne parle pas ! et embrasse-moi ! Lucienne ! ma Lucienne… Est-ce toi ! Est-ce bien toi !…

Armandine. — Mais non !

Rédillon. — Mais tais-toi donc ! Je ne te demande pas de me répondre ! Ah ! dis-moi que c’est toi…

On frappe à la porte.

Armandine. — Qui est là ?

Rédillon, parlant sur la voix qui vient au fond, de façon à empêcher d’entendre. — Oh ! Lucienne ! ma Lucienne !…

Armandine, à Rédillon. — Mais tais-toi donc aussi ! Il n’y a pas moyen d’entendre. (Dans la direction de la porte.) Qui est là ?

Voix de Victor. — Victor, madame, le chasseur.

Armandine. — Ah ! c’est toi ! Entre !

Scène IV

Les Mêmes, Victor, puis Clara

Victor, entrant. — Madame, est-ce qu’on peut… (Scandalisé en voyant Armandine sur les genoux de Rédillon.) Oh ! (Avec découragement.) Oh !

Armandine. — Qu’est-ce qu’il y a, petit ?

Victor, d’une voix douce et tendre. — Madame, c’est pour savoir si on peut faire transporter la malle.

Armandine. — Oui, oui !

Rédillon, à Victor. — Quelle malle donc !

Victor, brutalement à Rédillon. — Eh bien ! la malle qui est là ! pas celle du grand Turc !

Rédillon, se levant et allant à Victor. — Dites donc ! en voilà une façon de me répondre ! Je vais vous faire voir, moi, si c’est pas celle du grand Turc ! A-t-on jamais vu !

Armandine. — Oh ! bien, ne le bouscule pas ce petit, il est très gentil !

Rédillon. — Je ne te dis pas ! mais je lui apprendrai à me parler poliment.

Armandine. — Oh ! bien va, ça ne vaut pas la peine ! Tiens, donne-lui cent sous !…

Rédillon. — Hein ! Comment ! Après la façon…