Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/232

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Le Garçon, ramassant ses huîtres. — Oh ! non, Monsieur, elles sont retenues par le 14.

Rigolin. — Eh ! bien, bon appétit au 14… (Sur le pas de la porte, s’arrêtant tandis qu’Emilie Bamboche passe sa tête par-dessus son épaule.) Eh ! Joseph !

Joseph. — Monsieur Rigolin ?

Rigolin. — Où est mon cabinet, mon vieux ?

Joseph. — Mais je n’en ai pas, Monsieur le marquis !… (Bamboche ouvre de grands yeux et regarde Rigolin avec une certaine déférence.) Monsieur le Marquis ne m’a pas dit de lui en retenir.

Rigolin, entrant. — Oh ! voyons, mon ami, je ne devrais pas avoir besoin de le demander, je suis de fondation. Allez demander à la caisse.

Joseph. — Oui, Monsieur, mais je crois bien que cela ne servira à rien ; les nuits de bal à l’Opéra, la maison regorge de monde.

Rigolin. — Allez toujours.

Joseph. — Oui, monsieur le Marquis.

Il sort.

Scène II

Les Mêmes, puis Joseph

Bamboche. — Ah, çà ! comment est-ce qu’il t’appelle ? Tu es donc marquis, toi !

Rigolin. — Hein ! moi ? Je ne sais pas.

Bamboche. — Eh ! bien, alors ?

Rigolin. — Quoi, eh ! bien alors ? Tu veux que je lui fasse une scène parce qu’il m’appelle M. le Marquis ? Ca n’a rien de blessant ! Ah ! là, là ! Je suis au-dessus de ça ! (Voyant Joseph qui revient.) Ah ! le voilà, eh bien !

Joseph. — Rien, monsieur le Marquis, il ne reste plus rien ! Je le disais bien à Monsieur le Marquis, tout est pris !

Rigolin. — C’est agréable… Eh ! bien, et ce cabinet ?

Joseph. — Il est retenu par M. le comte de Gentillac.

Rigolin. — Le comte de Gentillac !… Où prenez-vous le Comte de Gentillac ?… Il n’est pas plus comte que vous !

Joseph. — C’est un si bon client, M. le Marquis !

Rigolin. — Voilà une raison !… Je ne suis peut-être pas un bon client, moi ?

Joseph. — Oh ! mais, je mets M. le Marquis encore au-dessus de monsieur le comte.

Rigolin. — A la bonne heure !… seulement tout en me mettant au-dessus vous me mettez dehors.

Joseph. — Oh ! M. le Marquis !

Rigolin. — Dame, puisqu’il n’y a plus de place pour moi ! Vous savez Joseph, si vous continuez comme cela à éloigner vos clients, parce que vos salons sont pleins, vous ne ferez pas longtemps vos affaires, c’est moi qui vous le dis !… Allons, viens, Bambochette, nous allons chercher l’hospitalité ailleurs.

Bamboche, gagnant la droite. — Oh ! bien non, redescendre comme ça tout de suite, on a l’air d’avoir soupé avec un cure-dent…

Rigolin, descendant. — Où vas-tu placer ton amour-propre ?