Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/30

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Amandine, du fond. — Eh bien ! Tiburce, qu’est-ce que vous faites là ?…

Tiburce, se levant. — Rien, je… Madame voit, je tapisse…

Amandine. — Ma tapisserie… Eh bien ! vous avez de l’aplomb ?… Et moi qui me demandais toujours qui me faisait des points à l’envers…

Tiburce. — C’était moi, Madame… J’étais si heureux de collaborer avec Madame…

Amandine. — Hein ! il ose… Allez ! et que cela ne vous arrive plus !

Elle s’assied sur le canapé.

Tiburce. — Oui, Madame… (À part.) Cette femme ne m’aimera jamais ! Une femme si forte en chair ! Oh ! ma livrée, que tu me pèses !

Il sort au fond à droite.

Amandine. — Non, mais a-t-on idée de cela !… Rangeons cet ouvrage. (Elle ouvre le panier à ouvrage.) Ciel !… encore un billet de Dufausset !… L’imprudent !… Il met cela dans mon panier. On n’aurait qu’à le trouver… voyons !…

Lanoix, entrant du fond, un bouquet à la main. — Il n’y a donc personne dans cette maison… (Apercevant Amandine.) Ah ! Bibiche !

Amandine, lisant sans le voir. — "Il faut absolument que je vous parle."

Lanoix, saluant. — Madame…

Amandine, lisant. — "Vous avez bien voulu m’encourager, eh bien ! je me risque…"

Lanoix. — Elle n’a pas l’air de m’entendre… Madame !…

Amandine. — Il se risque !… Je ne comprends pas ce garçon !… Il est si éloquent dans ses écrits et laconique dans ses discours !

Lanoix. — Elle est donc sourde comme une pioche…(Criant.) Madame…

Amandine, tressautant. — Hein !… Quoi !… Qu’est-ce que vous avez à crier comme ça ?

Lanoix. — Je vous demande pardon, mais voilà deux fois que je susurre… alors j’ai un peu élevé le susurrement… Et vous allez bien, Madame ?

Amandine. — Oui, c’est bon, tout à l’heure… (Lisant.) "Je me risque…"

Lanoix. — Et moi, j’ai été très souffrant toute la nuit.

Amandine, passant au premier plan. — Allons ! tant mieux ! tant mieux !

Lanoix. — Je vous remercie… (À part.) Elle n’a pas plus l’air de s’occuper de moi…

Amandine, lisant. — "Le jour on n’est pas tranquille… accordez-moi cette nuit une entrevue dans la serre." (Parlé.) Hein !

Lanoix. — Vous ne pourriez pas me dire, au moins, où je pourrais trouver ma fiancée ?

Amandine, tout à son idée. — "Dans la serre…"

Lanoix. — Dans la serre !… merci !… (Remontant en courant.) Je vais la rejoindre.

Il sort au fond, à droite.

Amandine, allant vers la gauche. — Dans la serre !… Il ne doute de rien. (Lisant.) "je vous jure que ce sera en tout bien tout honneur…" Ça c’est des bêtises… (Lisant.) "Réfléchissez… je suis un galant homme…" Oui, très galant, très galant… (Lisant.) "Si vous consentez, dites à votre mari d’agiter son mouchoir quand il me verra, en chantant à votre choix "Colimaçon borgne" ou "Coucou, ah ! le voilà !" et vous