Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/62

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Landernau. — Vrai ! lui ! elle est bien bonne. (À Lanoix qui redescend.) Ah ! elle est bien bonne, hein !

Lanoix. — Elle doit l’être, elle doit être vraiment bonne. Il fait chorus.

Dufausset. — Ah ! mais ils m’agacent, je ne vois pas en quoi elle est si bonne…

Julie. — Ah ! décidément, papa ne l’aime pas.

Landernau, redevenant sérieux, — Et maintenant, assez ri comme ça, lis-moi ça.

Lanoix remonte avec Julie à droite.

Pacarel, riant toujours. — Qu’est-ce que c’est ? quoi ?… "On annonce l’engagement…" Oh ! c’est trop fort ! (À Dufausset.) Lisez ça, vous !

Il tend le journal à Dufausset.

Dufausset, lisant. — "On annonce l’engagement à l’Opéra du fameux ténor Dujeton aux appointements de 6.000 francs par mois…" Eh bien ! je m’en fiche !

Pacarel. — Ah ! vous vous en fichez !… C’est bon, vous me devez quarante mille francs.

Dufausset. — Moi ?

Pacarel. — Le dédit !

Dufausset. — Le dédit !… quel dédit !… mais je ne vous quitte pas !

Pacarel. — Vous ne pouvez pas rester avec moi et être à l’Opéra en même temps.

Dufausset. — Mais je ne vais pas à l’Opéra ! je ne suis pas Dujeton, moi…

Landernau. — Hein ?

Pacarel. — Comment vous n’êtes pas… alors que faites-vous ici… un pique-assiette ?

Dufausset. — Ah ! Monsieur !

Pacarel. — Pourquoi m’avez-vous dit que vous vous appeliez Dufausset ?

Dufausset. — Dufausset n’est pas Dujeton.

Pacarel. — Dujeton, c’est le nom de théâtre. Ne m’avez-vous pas expliqué que vous étiez le fils naturel de Dufausset.

Dufausset. — Moi, le fils naturel ?… Eh bien, dites-donc, où avez-vous pris ça ?

Pacarel. — Dame, c’est vous… Et puis quoi, Dufausset n’a qu’un fils…

Dufausset. — Eh ! bien… je ne vous ai pas dit non plus que j’avais un frère… Ce fils, c’est moi…

Pacarel. — Comment, c’est vous le… un gamin qui, il y a treize ans, était haut comme ça… Mais alors, dites-donc… vous n’êtes pas ténor ?…

Dufausset. — Moi ? Je ne sais pas chanter !

Pacarel. — Et vous vous faites passer ?… Ah ! c’est trop fort… Comment, je demande à Dufausset de m’engager un ténor et il y substitue son fils !…

Dufausset. — Mon père m’a envoyé faire mon Droit à Paris… mais il ne m’a pas parlé de ténor… Il m’a seulement recommandé à vous… j’ai la lettre au fond de ma malle… Vous m’avez tout de suite offert