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Acte I

Un salon au rez-de-chaussée. Porte au fond, donnant sur le vestibule. Porte à gauche et à droite, premier plan. Une grande fenêtre au fond, à droite. Une cheminée en pan coupé, à gauche, surmontée d’un grand portrait en pied de feu Robineau. Au milieu, une table recouverte d’un tapis. Fauteuil à gauche de la table et chaise à droite, un canapé à gauche, un autre canapé devant la cheminée.

Scène première

Sophie, Gusman

Au lever du rideau, la fenêtre du fond est ouverte. Sophie et Gusman sont à la fenêtre. Sophie intérieurement et Gusman extérieurement. Ils se tiennent embrassés comme deux amoureux.

Gusman. — Un tout petit, Sophie !

Sophie. — Mais non, voyons !

Gusman. — Oh ! Tout petit ! Tout petit !

Sophie. — Oh ! Vous n’êtes pas sérieux !… oui, là, mais faites vite !

Elle tend son cou.

Gusman, l’embrassant. — Ah ! Sophie ! la vie de nos maîtres pour ce moment de bonheur !

Sophie. — Allons, Gusman ! C’est pas le moment ! Je viens de servir le café aux bourgeois ! Ils peuvent sortir de table et nous surprendre, finissez !

Gusman, lyrique. — Eh ! bien, qu’ils nous surprennent !

Sophie. — Merci !… Ils nous flanqueraient à la porte !… Allons, filez… voilà une bouteille de vin et une moitié d’un pâté que j’ai sauvés du dîner… Pour qu’il vous en reste, du pâté, je ne l’ai pas repassé !

Gusman, prenant la bouteille et le pâté. — Ah ! Voilà comme je comprends l’amour ! Être aimé pour soi-même… Et quand te verrai-je ?

Sophie. — Eh ! bien, ce soir, si vous voulez…

Gusman. — Ce soir ?… Les bourgeois ne sortent donc pas ?

Sophie. — Non… Vous n’aurez pas à atteler. Quand tout sera éteint… Vous passerez par cette fenêtre… j’aurai soin de la laisser entr’ouverte… et vous monterez jusqu’à ma chambre !… mais en tout bien, tout honneur !

Gusman. — Naturellement.

Sophie. — Ils viennent !… Déguerpissez !…

Elle ferme vivement la fenêtre.