Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 3, 1948.djvu/20

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Francine. — Lui ! Ah ! regardez-moi comme ses traits sont contractés ! (A. Boriquet.) Gérard !

Boriquet, avançant de son pas de somnambule jusqu’au bureau à droite. Il a un paquet de lettres et de journaux sur un plateau ; le déposant sur le guéridon. — Le courrier de Monsieur.

Francine. — Hein !

Boriquet semble éprouver une secousse intérieure, et, n’étant plus sous l’influence de la suggestion, son visage, de fixe et immobile qu’il était, redevient calme et riant.)

Francine. — Qu’est-ce que tu as dit ?

Boriquet, reprenant où il en était avant de s’endormir. — Je disais : le mariage, vois-tu Francine…

Francine. — Mais non ! tu as dit : "le courrier de Monsieur".

Boriquet. — Moi ! tu es folle !

Justin, bas à Francine. — Ne le contrariez pas, Mademoiselle !

Boriquet. — Voyons, Justin, est-ce que j’ai dit : "le courrier de Monsieur" ?

Justin, derrière la table. — Je n’ai pas entendu, Monsieur !

Boriquet. — Parbleu ! Pourquoi est-ce que j’aurais dit… Non ! je disais : "le mariage, vois-tu Francine"… Tu as entendu "le courrier de Monsieur".

Francine. — Ah ! tu crois…

Boriquet. — Mais oui ! (A part.) Elle devient un peu sourde, ma soeur.

Francine, à part. — Pauvre garçon !…

Boriquet. — Allons Justin, servez !

Justin. — Oh ! mais il y a longtemps que ça refroidit sur la table, Monsieur.

Boriquet. — Eh ! que ne le dites-vous ? (A Francine.) Francine, à table !

Francine. — Oui, mon ami… (Allant à la table, à part.) Mon frère m’inquiète bien !…

Ils s’installent à table. Justin place sur la table le poulet et la salade.

Boriquet. — Sers-toi, Francine…

Justin, à part. — C’est ça, et moi il faut que je regarde manger !… Attends un peu.

Il va chercher la bouteille de vin qui se trouve sur le petit meuble à gauche et verse à Boriquet et à Francine.

Boriquet. — Eh bien ! Justin, venez donc à notre service.

Justin, qui est remonté un peu. — J’y allais, Monsieur.

Il va se placer derrière la table, entre Boriquet et Francine, et face au public. Pendant que l’un et l’autre se servent, il leur fait des passes magnétiques.

Boriquet. — Tiens ! prends donc ce morceau de… de… de…

Il s’endort.