Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 3, 1948.djvu/24

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Boriquet. — Oh ! que c’est aimable !

Valencourt. — Elle m’a dit : "Oh ! oui, lui, si tu veux, mais bien vite papa, parce que j’ai parié avec ma cousine que je serais mariée avant la fin de l’année…" Alors, ça lui fait gagner son pari !

Boriquet. — Je suis touché de ses sentiments à mon égard.

Valencourt. — Et maintenant, je suis rond en affaires !… Vous avez ?…

Boriquet. — Trente-huit ans !

Valencourt. — Non, de fortune…

Boriquet. — Ah ! douze mille livres de rentes tant sur l’État qu’en Ville de Paris,… Chemins de fer,… Suez,… quelques Panamas…

Valencourt, avec une moue. — Oh ! le Panama !

Boriquet. — Oui, je sais bien.

Valencourt. — Matière à rincer, pour moi, le Panama !

Boriquet. — Maintenant, il y a ce que je gagne, qui varie entre quinze et vingt-cinq par an.

Valencourt. — Et… des espérances ?

Boriquet. — Certainement ! ma sœur ici présente…

Francine, qui est assise de l’autre côté du bureau. — Tu me réalises tout de suite.

Boriquet. — Non, je te porte en compte.

Valencourt. — Eh bien moi, je donne à ma fille trois cent mille francs, également en rentes sur l’État, Foncières, quelques actions des Mines d’or de Saint-Germain-en-Laye.

Boriquet. — Les mines de Saint-Germain-en-Laye, mais ç’a été un coup monté, vous savez ! ça ne vaut rien !

Valencourt. — En effet, on m’a dit : "Défaites-vous de ça au plus vite", alors, je vous les constitue en dot.

Boriquet. — C’est que…

Valencourt. — Oh ! mais il y en a très-peu… et le reste est bon…

Boriquet, en se levant. — D’ailleurs, je n’en fais point une question d’argent !

Valencourt. — Allons, puisque c’est comme ça, mon gendre, dans mes bras.

Il se lève et tend les bras à Boriquet.

Francine, très émue, s’y précipitant. — Ah ! Monsieur !

Valencourt. — Hein ! Non, c’est à votre frère que je disais ça.

Francine. — Oui, je sais bien… vas-y, Gérard !

Boriquet. — Ah ! merci mon cher beau-père !

Valencourt. — Et maintenant pour votre fiancée, bien que je sois sûr de son agrément, il est bon que vous vous déclariez vous-même… nous nous arrangerons pour vous ménager un tête-à-tête, tout à l’heure, et vous pourrez commencer votre cour…

Boriquet. — Ah ! mon cher docteur… vous me rendez le plus heureux des hommes… aussi laissez-moi vous dire une chose que j’ai là, sur le coeur… (Midi et demi sonnent à la pendule. La figure de Boriquet se transforme, devient fixe et il se retourne en disant) : je vais monter le bois.

Francine et Valencourt. — Hein !

Boriquet sort précipitamment avec une allure automatique.

Francine. — Ah ! mon Dieu, ça le reprend !