Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 4, 1948.djvu/248

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Toudoux. — Pardon !… (Il écarte la tête et dans le même mouvement la ramène vers sa femme pour avoir juste un hoquet dans ce moment-là.) Yupp !

Léonie. — Ah ! ce que tu m’agaces avec tes yupp !

Toudoux. — Mais j’ai le… yupp… hoquet, enfin !

Léonie. — Eh bien ! aie le hoquet, mais ne fais pas "yupp" tout le temps !

Toudoux. — Mais je ne le fais pas… yupp… exprès ! Je ne peux pas ne pas faire "yupp" quand j’ai le… yupp… hoquet, sapristi !

Léonie. — Mais va boire, si tu as le hoquet ! va boire !

Toudoux, la quittant et se précipitant sur son verre. — Ah ! ben, je ne… yupp… demande pas… yupp… mieux, par exemple ! Voilà une heure que je… yupp !

Léonie. — Eh ! bien, oui ! ne parle pas tant et bois.

Toudoux. — Yupp !… oui !

Léonie, s’asseyant à gauche de la table de jeu. — Ah ! quelle journée !

Toudoux, après avoir bu, redescend vers sa femme, au-dessus de la table à jeu ; un temps. — Ah ! c’est passé… ça va mieux !… Yupp !… ça va mieux !…

Léonie, l’avant-bras droit sur le dossier de sa chaise, le front appuyé sur l’avant-bras, avec amertume. — Ah ! tu as de la chance, je voudrais bien pouvoir en dire autant !

Toudoux, lui prenant affectueusement la main gauche qu’elle a sur la table. — Tu as toujours mal ?

Léonie, se redressant et brusquement emportée. — Evidemment, j’ai mal !

Toudoux, lui tapotant amicalement la main. — Elle est gentille !… Ma pauvre enfant, va ! je te plains !

Léonie, aigre. — Tu peux !…

Toudoux. — Si je pouvais faire ça pour toi !

Léonie. — Quoi ? quoi ? "si je pouvais faire ça pour toi ! " Qu’ça veut dire ? Tu ne t’engages pas à grand’chose en disant ça !

Toudoux. — Je fais ce que je peux…

Léonie, reprise de douleurs. — Oh ! oh ! Marchons, marchons !

Toudoux, empressé et enjambant la chaise droite de la table pour ne pas faire attendre sa femme qui le tire. — Oui !… oui !

Ils gagnent ainsi la droite de la scène ; au moment où ils font volte-face pour revenir sur leurs pas, Léonie s’arrête.

Léonie. — Non, tiens ! asseyons-nous !

Toudoux, qui est à ce moment juste devant la bergère, s’asseyant dans la bergère en même temps que Léonie. — C’est ça !

Léonie, qui n’a ainsi trouvé que le bras de la bergère pour tout siège, se relevant. — Mais pas toi ! moi !

Toudoux, se levant vivement pour lui céder la place, répétant comme elle, absolument ahuri qu’il est. — C’est ça ! pas toi, moi !… euh ! non ! pas moi, toi !

Léonie, s’asseyant à sa place. — Tu peux bien rester debout !

Toudoux, extrême-droite. — Je peux bien rester debout, oui !

Léonie, épuisée. — Ah ! quel supplice ! J’en ai des transpirations. (Un temps. D’une voix mourante.) Donne-moi à boire, veux-tu ?

Toudoux. — Comment ?