Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/216

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John. — Ah ! ça serait Philomèle, au moins ça… ! Eh ben ! on pourrait espérer.

Philomèle. — Non, mais dis donc, pour qui que tu me prends ? J’ai des principes, moi !

John. — Oui-da ?

Philomèle. — Comme me disait le curé de mon village : "l’amour, c’est pour ceux qui sont mariés".

Isidore. — Ah ! bien, si ce n’est que ça ! Je le suis.

Philomèle. — Oui, mais pas avec moi. Quand je céderai, moi, ce sera pour le bon motif.

John. — Aha !

Philomèle. — Ou alors, pour la grosse galette.

Isidore. — Je comprends ça ! moi aussi.

John. — Laisse donc ! elle dit ça, mais au fond…

Il l’embrasse dans le cou.

Philomèle. — Allons, voyons !… satyre !

John. — Oho, satyre ! elle m’a appelé satyre !

Il la réembrasse.

Philomèle. — Veux-tu me laisser, voyons ! (Sur un ton de menace, lui montrant la boîte de poudre à argenterie.) Ah ! Je te flanque de ce rouge sur la figure.

John. — Ah ! non, merci ! pour que j’aie l’air d’une cocotte !

Isidore. — Alors, dis donc, Philomèle, vraiment pour de la galette, tu…

Philomèle. — Si t’en as beaucoup, t’as qu’à essayer.

Isidore. — Non ! mais si un jour j’en ai, eh bien ! je ne dis pas…

Philomèle. — Bon.

Isidore. — Tu m’ouvrirais pas un petit crédit en attendant ?

Philomèle. — Ah ! plus souvent oui !

On entend les coups de marteaux des tapissiers.

John. — Oh ! qu’ils sont embêtants, ces bougres-là avec leurs marteaux.

Isidore. — C’est les tapissiers qui clouent la tenture du salon.

John. — Ils sont assommants.

Philomèle. — Oh ! ils vont réveiller Madame.

John. — Ah, ça ! je m’en fous !

Isidore. — T’es dur, John, t’es dur !

John. — Je suis dur ? C’te femme qui gagne sa galette on sait comment et qui se mêle d’éplucher mes comptes,… qui, hier, se permet de me dire : "Non, mais qu’est-ce que vous faites de l’avoine ? C’est pas possible, vous la mangez." (Isidore et Philomèle rient.) Je la mange ! je la mange ! non, t’entends ça ? Eh, bien non ! je ne la mange pas ! là ! je la bois ! ah !

Philomèle. — Ça ! il paraît même que l’autre nuit tu étais un peu…

John. — Bien oui, c’est entendu ! j’étais un peu bu ! Est-ce une raison pour me le coller en pleine figure comme elle l’a fait ? Oui, mon vieux. Elle m’a dit que j’étais saoul.

Isidore. — Ah… ça ! mon vieux !

John. — J’admets ça ! mais est-ce que ça se dit, ces choses-là… quand on est poli !… quand elle a une bouteille de champagne dans le nez ! est-ce que j’ai même l’air de m’en apercevoir ?

Isidore. — Ah, bien ! c’est la patronne !

John. — Oui ? eh bien ! c’est précisément là-dessus que j’en ai ! des patrons, n’en faut pas…