Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/226

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Isidore. — Enfin j’irai au 52, je verrai bien.

Snobinet. — C’est ça ! (A Philomèle qui lui apporte de quoi écrire.) Merci, attendez. (Ecrivant.)… "Prière de remettre au porteur mon costume gris. Victor." (A Isidore.) Voilà ! Avec ce mot, vous aurez la complaisance de monter chez moi… C’est un peu haut, c’est au cinquième… Mais il faut bien se dire qu’il n’y a qu’au cinquième qu’on ait de l’air et de la lumière, et maintenant, n’est-ce pas, avec les ascenseurs… D’ailleurs, je n’ai pas d’ascenseur. Oui, c’est ça qui manque ; seulement, si je n’ai pas l’ascenseur…

Paulette. — Tu as le cinquième…

Snobinet. — Voilà !… Hein ? non, j’ai l’air et la lumière.

Paulette. — Mais qu’est-ce que tu veux que ça fasse à Isidore… tout ça ?

Isidore. — Oh ! mais ça m’intéresse.

Paulette. — Ah ! bon.

Snobinet. — Mais dame ! (A Isidore.) Une fois en haut, vous demanderez à parler à ma mère. D’ailleurs, il est probable que c’est elle-même qui vous ouvrira. Oui, la pauvre chère femme, depuis que j’ai congédié mes domestiques, c’est elle qui veut bien s’occuper… J’avais un ménage qui ne faisait pas l’affaire, alors j’ai mis tout ce monde-là à la porte, la femme de chambre, le valet de chambre et la cuisinière.

Paulette. — Comment, mais tu disais un ménage…

Snobinet. — Hein ? Ah ! euh… eh ! bien, oui, c’était un ménage à trois.

Paulette. — Ah ! tu m’en diras tant.

Snobinet, à Isidore. — Alors vous demanderez à ma mère de vous remettre le costume gris que je lui demande dans ce mot. Vous lui direz : "le complet du trois de la Dame aux Camélias" ; elle saura. Parce que, dans la Dame aux Camélias…

Paulette. — Ah !… Tu ne vas pas nous raconter la Dame aux Camélias maintenant.

Snobinet. — Mais, non, pourquoi ?

Paulette. — Je ne sais pas !… Pendant que tu y es, ça intéresserait peut-être Isidore.

Isidore, vivement. — Oh ! oui !…

Paulette. — Là, tu vois !…

Snobinet. — Eh ! bien, ce sera pour une autre fois ! je ne raconte pas bien en chemise ; quand vous serez revenu.

Isidore. — Eh ! bien, alors j’y vais ! Philomèle commencera à mettre le couvert pendant ce temps-là.

Philomèle. — Entendu !

Isidore. — Je vais et je reviens.

Il sort.

Paulette, à Snobinet. — Eh bien ! et toi ! est-ce que tu vas rester ainsi ? Tu es ridicule dans le molleton de la table. Tu as l’air d’une betterave.

Snobinet. Non, non, je vais l’enlever.

Il le retire.

Philomèle. D’autant que j’en ai besoin pour mettre la nappe.

Snobinet, lui remettant le molleton qu’elle étend sur la table. — Là. (satisfait.) Ah !…

Paulette. — Quoi, "ah ! " Tu as l’air ravi d’être en chemise. Tu ne vas pas traîner ainsi, c’est inconvenant ! tu ferais mieux d’aller te recoucher, tiens ! jusqu’à ce que tu puisses t’habiller.

Snobinet, allumé, se lève, puis avec un clignement de l’œil. — Ah !… on…